« Les VRD sont-ils des ouvrages soumis à l’obligation d’assurance ?  » – Etude de Mesdames DAURAT et NITOT-DORLENCOURT –

I – L’article A.241-2 du Code des assurances (arrêté du 17 novembre 1978) qui délimitait le champ d’application de l’assurance construction ayant été annulé par le Conseil d’Etat pour des raisons de forme, la notion de « travaux de bâtiment » a suscité quelques difficultés.

En l’absence de toute définition, il convient de se référer à la jurisprudence.

– Dans un premier temps, celle-ci s’est retranchée derrière la définition donnée par l’arrêt annulé par le Conseil d’Etat et derrière les termes mêmes de la police dans laquelle les assureurs avaient inséré une définition générale des « travaux de bâtiment » ou prévu en annexe une liste des travaux considérés comme « travaux de bâtiment ».

Certains arrêts vont jusqu’à affirmer qu’une station d’épuration, une piscine découverte, un silo à grains, un court de tennis découvert, sont des ouvrages de bâtiment qui relèvent de l’obligation d’assurance.

– A partir de 1991, la première Chambre civile de la Cour de cassation abandonne cette définition en considérant que les parties ne peuvent valablement définir le champ d’application de leur contrat en adoptant la définition annulée par le Conseil d’Etat. Elle adopte alors un nouveau critère, celui des techniques des travaux de bâtiment.

Sont désormais soumis à la double obligation d’assurance l’exécution de travaux de bâtiment et les ouvrages exécutés selon la technique des travaux de bâtiment. Ainsi, la Cour d’appel de PARIS a jugé, à propos de voirie, que le critère à retenir en ce qui concerne les travaux soumis obligatoirement à l’assurance est celui des techniques des travaux utilisées et qu’il convenait de déterminer si les voies dégradées litigieuses sont consécutives à des travaux exécutés suivant des techniques de travaux de bâtiment.
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– La première Chambre civile a poursuivi son interprétation extensive en considérant qu’aucune distinction ne devait être faite au regard de l’assurance obligatoire, selon que les techniques de travaux de bâtiment mises en œuvre concernent un local d’habitation ou un local industriel et commercial.

Toutefois, on relèvera que la troisième Chambre civile, en 1998, dans un arrêt important, contredit la position prise par la première Chambre civile précitée en faisant nettement la distinction entre les éléments d’équipement qui se rattachent à la fonction construction et ceux qui relèvent de la fonction industrielle. Elle écarte du domaine de la responsabilité décennale et donc de l’assurance obligatoire les éléments d’équipement industriel même si les dysfonctionnements de ces éléments rendent l’ouvrage impropre à sa destination.

II – S’agissant des V.R.D., la troisième Chambre civile de la Cour de cassation, en matière de garantie décennale, a précisé : « que les voies et réseaux divers constituent des ouvrages, même s’ils ne sont pas rattachés à un bâtiment ».

Conséquences de cet arrêt, le lotisseur est réputé constructeur et responsable des dommages à l’ouvrage qu’il a construit ou fait construire, conformément à l’article 1792 du Code civil.

A la lecture de l’arrêt de 1997, la question de savoir si l’exécution des V.R.D. par le lotisseur relevait ou non de la double obligation d’assurances était entière.

Dans un arrêt très récent, la Cour de cassation a affirmé que « les voies et réseaux divers constituent des ouvrages même s’ils ne sont pas rattachés à un bâtiment et relèvent de l’obligation d’assurance de travaux de bâtiment ou des locateurs d’ouvrage ».

Commentant cet arrêt, Monsieur COURTIEU en déduit que le lotisseur constructeur et maître d’ouvrage est assujetti à la

double obligation d’assurances, celle de responsabilité décennale de l’article L.241-1 du Code des assurances (L.111-28 du CCH) et celle de dommage à l’ouvrage de l’article L.242-1 (L.111-30 du CCH).

III – La volonté délibérée de la première Chambre civile de faire coïncider le domaine de la responsabilité décennale et celui de l’assurance obligatoire relayée de façon inopinée par la troisième Chambre civile, a créé une insécurité juridique. Si l’on ajoute à cette création jurisprudentielle la position prise par la première Chambre civile en matière de couverture des dommages aux existants par l’assurance obligatoire, position critiquable car anti-économique, la réforme lancée depuis plusieurs années devient de plus en plus nécessaire.

Source : CRIDON-PARIS, 15 novembre 2000, II page 235