« Les droits de préemption du locataire à l’épreuve de la « Loi Carrez » – Etude de Me Philippe PELLETIER –

Plus de deux ans après l’entrée en vigueur, le 19 juin 1997, de la loi du 18 décembre 1996 qui institue l’obligation de mentionner la superficie de la partie privative d’un lot de copropriété en cas de vente, cette irritante question n’est pas clairement tranchée : un tribunal d’instance décide que cette obligation ne concerne pas les congés donnés en vue de la vente (T.I. PARIS 20è, 30/03/99) mais un autre tribunal retient une solution contraire (T6.I. PARIS 14è, 29/01/99) ; la doctrine est partagée, tandis que la Commission relative à la copropriété reste justement silencieuse sur le sujet dans sa recommandation n° 17.

a) La lettre du texte

Le législateur a, d’évidence, fait choix d’imposer la mention de superficie dans les contrats qui précèdent, réalisent ou constatent la vente : ce qui suppose l’existence d’un contrat, c’est à dire d’un acte conclu entre promettant et bénéficiaire ou entre vendeur et acquéreur.

La notification faite par le bailleur au locataire ne répond pas à cette exigence : il s’agit, en effet, d’un acte unilatéral du bailleur, que la loi qualifie justement d' »offre de vente » (art. 15-II, L. du 6 juillet 1989 ; art. 10, alinéa 1er, L. du 31 décembre 1975). Comme la promesse unilatérale, l’offre n’emporte qu’en engagement unilatéral de la part de son émetteur ; mais, à la différence de la promesse, l’offre n’est pas un contrat puisqu’elle existe sans manifestation de volonté de son destinataire. 

…/… 

b) L’esprit du texte

Le débat parlementaire a spécialement mis en lumière une volonté de lutte contre des abus constatés et de recherche de la transparence.

Ce n’est pas ici le lieu de discuter cette argumentation, mais simplement d’y déceler un même esprit : celui d’assurer la protection d’un acquéreur jugé mal informé de la contenance de son futur logement.

Or, cette volonté du législateur n’intéresse pas la situation du locataire : à l’inverse du tiers acquéreur, il connaît le logement offert à la vente, qui constitue déjà son habitation. Il n’est donc pas raisonnable d’imaginer une quelconque dissimulation du bailleur vis à vis de son locataire, relative à la consistance de la chose louée : bien souvent, l’occupant la connaît mieux que son propriétaire.

 

Note : A noter que, depuis cet article, la Cour d’Appel de PARIS (arrêt du 14 septembre 1999) a décidé que l’indication que la superficie n’était pas obligatoire.

Toutefois, la prudence veut sans doute d’indiquer cette superficie.

Source : DEFRENOIS, 30 décembre 1999, page 1345