« Le paiement différé des droits de succession et la gestion sans entraves d’un portefeuille de valeurs mobilières » – Etude de M. Daniel FAUCHER –

Chacun sait que des héritiers recevant des biens en nue-propriété peuvent demander le bénéfice du paiement différé des droits de succession qui leur incombent. En effet, aux termes de l’article 404 B de l’annexe III au CGI, le paiement des droits peut être différé jusqu’à l’expiration d’un délai qui ne peut excéder six mois comptés de la date de la réunion de l’usufruit à la nue-propriété, ou de la cession totale ou partielle de cette dernière.

Appliqué strictement, ce texte permet donc au service de prononcer la déchéance du crédit de paiement différé obtenu lors de la transmission par décès d’un portefeuille de valeurs mobilières s’il est constaté la cession de tout ou partie des valeurs le composant.

Qu’une seule des valeurs composant le portefeuille soit vendue en toute propriété par l’accord conjoint de l’usufruitier et du nu-propriétaire ou par l’usufruitier seul, cette cession entraîne l’exigibilité des droits en suspens, y compris ceux correspondant aux autres valeurs encore détenues en nue-propriété.

L’absence de désinvestissement constitue inévitablement l’argument qui permet aux titulaires de droits démembrés sur un portefeuille de valeurs mobilières de le gérer sans craindre la déchéance du bénéfice du crédit de paiement différé obtenu par les nus-propriétaires. En effet, dans un arrêt rendu en 1998 la Haute Juridiction permet à l’usufruitier d’un portefeuille de valeurs mobilières de prendre seul des initiatives et gérer les titres le composant sans l’accord des nus-propriétaires, à charge pour lui d’en conserver la substance. Si l’usufruitier peut avoir de tels pouvoirs selon la Cour, c’est au motif que le portefeuille de valeurs mobilières est une universalité.
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L’Administration s’apprête à en tirer toutes les conséquences au regard du paiement différé. Ainsi, la déchéance ne serait pas prononcée en cas de simple arbitrage opéré sur le portefeuille. Cependant, le remploi en serait la condition impérative puisque la Cour précise que le portefeuille est une universalité sous condition de remploi, le nu-propriétaire devrait, en cas de demande émanant du receveur des impôts chargé de la surveillance du paiement différé, lui démontrer par tout justificatif que le prix de cession des valeurs disparues du portefeuille à été réinvesti intégralement dans d’autres valeurs. Nul doute que le nu-propriétaire ne devrait avoir aucune difficulté à apporter cette preuve dès lors que si l’usufruitier a le droit de gérer seul, il reste tenu d’informer le nu-propriétaire des évolutions du portefeuille.

Source : JCPN 2000 n° 6 page 297