« La fiscalité de l’achèvement de l’immeuble » – Etude de M. Jean-Pierre MAUBLANC –

LA DEFINITION DE L’ACHEVEMENT DE L’IMMEUBLE

L’article 258 de l’annexe II au Code général des impôts dispose que, pour l’application du 7° de l’article 257 du même code, un immeuble ou une fraction d’immeuble est considérée comme achevé lorsque les conditions d’habitabilité ou d’utilisation sont réunies ou en cas d’occupation, même partielle, des locaux, quel que soit le titre juridique de cette occupation.

La réunion des conditions d’habitabilité ou d’occupation

La jurisprudence fiscale définit l’achèvement de l’immeuble au regard de la nature des équipements non encore réalisés. Si les équipements et les travaux non exécutés sont jugés indispensables à l’habitabilité ou à l’occupation de l’immeuble, celui-ci n’est pas considéré comme achevé. A l’inverse, la non-exécution ou l’absence des travaux et équipements jugés non indispensables à l’habitabilité ou à l’occupation font néanmoins regarder l’immeuble comme étant achevé, quel que soit le degré de confort offert à l’occupant ou la conformité ou non de la construction au permis de construire.

Selon les termes mêmes utilisés par les arrêts, un immeuble est achevé lorsque l’état d’avancement des travaux permet au propriétaire de l’habiter (CE 20 février 1963).

D’un point de vue fiscal, la notion d’achèvement est une notion univoque qui ne distingue pas entre l’achèvement complet et l’achèvement simplement relatif, comme dans le droit de la construction immobilière. C’est aussi une notion qui n’est pas définie par référence à la déclaration d’achèvement des travaux prévue par les articles R.460-1 et suivants du Code de l’urbanisme. La définition fiscale de l’achèvement n’est pas très éloignée de celle retenue par l’article .261-1 du Code de la construction et de l’habitation.
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La jurisprudence fiscale est relativement sévère en la matière. Fait seulement obstacle à l’habitabilité ou à l’occupation l’absence de raccordement aux différents réseaux. Les logements d’un immeuble collectif qui n’est pas raccordé au réseau électrique ne sont pas en état d’être habités, et donc ne sont pas achevés (CE 19 décembre 1979 ; CE 7 décembre 1983; CAA LYON 25 février 1998, SCI Les Mégalithes). Toutefois, cette solution a été écartée en ce qui concerne les maisons individuelles, pour lesquelles ce raccordement n’a pas été jugé indispensable à l’habitabilité (CE 15 juillet 1964). L’immeuble n’est pas achevé tant qu’il n’est pas raccordé au réseau d’eau (CE 7 janvier 1977 ; CE 30 mai 1979) ou au réseau d’assainissement (CE 6 mars 1989).

L’immeuble est regardé comme achevé même si les finitions intérieures n’ont pas été réalisées parce qu’elles ne sont pas jugées indispensables à l’habitabilité ou à l’occupation (CE 19 septembre 1984, CE 2 février 1987 ; CAA LYON 25 juin 1992). La pose des tapisseries et de la moquette est à cet égard considérée comme ne faisant pas obstacle à l’habitabilité du logement.

L’occupation effective de l’immeuble

C’est la date d’occupation, même partielle, des locaux qui révèle leur achèvement, alors même que cette occupation ne serait pas conforme à la destination de l’immeuble ou que celui-ci ne serait pas habitable. Ainsi, un immeuble à usage d’atelier de fabrication, ayant servi de dépôt de matériaux à une époque où il n’était pas raccordé aux réseaux, doit être regardé comme achevé dès cette époque puisqu’il faisait l’objet d’une occupation (Cass. Comm. 1er octobre 1996 à propos du point de départ du délai de cinq ans pendant lequel la cession de l’immeuble neuf entre dans le champ de la TVA immobilière). La Cour de cassation a considéré qu’il n’y avait pas lieu de rechercher si l’occupation était ou non conforme à la destination de l’immeuble ou si les conditions

d’achèvement établies par l’article R.261-1 du Code de la construction et de l’habitation étaient ou non réunies. Le critère de l’occupation effective se suffit à lui-même et révèle l’achèvement de l’immeuble. Peu importe que des travaux importants aient été réalisés par le nouvel acquéreur de la construction (CE 12 novembre 1986) ou que la déclaration d’achèvement et le certificat de conformité aient été établis postérieurement à l’occupation (CE 17 mai 1982).

Le terme d’occupation effective n’est peut-être pas adéquat dans la mesure où dans certains cas l’achèvement peut résulter d’une prise de possession par le propriétaire qui donne ensuite l’immeuble à bail (CE 22 juillet 1977). La date d’achèvement des locaux livrés « bruts de béton » coïncide avec la fin de l’intervention du constructeur et la mise à disposition des locaux aux propriétaires ou locataires (v. l’instruction du 10 mai 1985 8 A-5-85, Dr. Fisc. 1985 n° 24, 2è partie, n° 8420).

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LE ROLE DE L’ACHEVEMENT DANS LA FISCALITE IMMOBILIERE

La cession de l’immeuble en cours de construction

Au regard de la TVA immobilière, la vente ou l’apport en société de l’immeuble inachevé est assimilé à la cession d’un terrain bâtir, par application des dispositions combinées des articles 257-7°-1 a et 1594-OG A I-1° du Code général des impôts (ce dernier article reprenant les dispositions de l’ancien article 691 du même code). Cette qualification de terrain à bâtir reconnue à l’immeuble inachevé procède de la définition extensive du terrain à bâtir en droit fiscal. Elle vise non seulement les terrains non bâtis et susceptibles de l’être, mais aussi les terrains recouverts de bâtiments destinés à être démolis, les immeubles inachevés et le droit de surélévation d’immeubles préexistants et de la fraction de terrain supportant ces derniers. La notion d’immeuble inachevé doit être entendue dans le sens technique précis qui résulte des dispositions de l’article 258 de l’annexe II du Code général des impôts. Ce sont les immeubles dont les conditions d’habitabilité ou d’utilisation ne sont pas réunies ou qui, en toute hypothèse, n’ont pas fait l’objet d’une occupation à quelque titre que ce soit. Ainsi, est un immeuble inachevé une dalle en béton devant servir de support à une construction (CE 13 mai 1991 ; CE 15 mai 1991) ou un terrain su lequel ont été réalisées, après affouillements, les parois moulées des parkings (CE 3 mars 2000).

La location de l’immeuble en cours de construction

Le régime fiscal de l’immeuble en cours de construction et destiné à la location ne présente pas de différences avec celui de l’immeuble achevé affecté à la location. Ainsi les intérêts des emprunts contractés pour la construction ou la rénovation d’un immeuble destiné à la location doivent être pris en compte au titre des charges, avant même que la location ne soit effective. Il appartient au bailleur d’informer clairement l’administration de son intention de louer et de procéder à une location effective dès l’achèvement des travaux (CE 2 mars 1977 ; CE 10 février 1988).

Lorsque le contrat de bail impose au preneur de prendre à sa charge l’achèvement de l’immeuble, la valeur des travaux ainsi réalisés présente le caractère d’un revenu imposable entre les mains du bailleur, au titre de l’année de l’expiration du bail et de la reprise de l’immeuble par le bailleur (CE Ass. 30 novembre 1973).

Source : AJDI 2000 n° 9 page 694