« Intérêt de retard : la rémunération excessive du prix du temps » – Etude de M. Daniel FAUCHER –

Qui ne s’est pas interrogé, voire plus, après avoir subi un redressement, puis ensuite bénéficié quelques temps après d’un dégrèvement d’impôt, ou inversement, sur la différence existant dans l’appréciation du loyer de l’argent ?

En effet, s’il s’agit d’évaluer le préjudice de l’Etat en raison de l’encaissement tardif de l’impôt, le taux est fixé à 9 % l’an. En revanche, s’il s’agit d’évaluer celui du contribuable qui a versé un impôt indu, le taux d’intérêt, en l’an 2000, était fixé à 2,74 %.

Sans doute pour faire écho à cette interrogation portée devant lui par un contribuable auquel l’Administration reprochait la non-déclaration d’un prétendu don manuel, le TGI de PARIS vient de juger que le montant de l’intérêt de retard destiné à indemniser le Trésor devait être limité au taux d’intérêt légal.

En contradiction avec la doctrine de l’Administration, le Tribunal dénonce le caractère partiel de pénalité de l’intérêt de retard.

Estimant que les présents d’usage accordés par une personne étaient disproportionnés par rapport à ses ressources, le service les avaient réintégrés à l’actif de sa succession. Le redressement étant majoré de l’intérêt de retard, l’héritier contestait non seulement le principe de l’imposition mais aussi le taux élevé de cet intérêt.

Pour prononcer la décharge du montant excédant le taux de l’intérêt légal en vigueur au cours de l’année d’imposition, le juge a retenu le raisonnement suivant : l’intérêt de retard est destiné à indemniser le Trésor de l’encaissement tardif des impôts. Or, le pouvoir réglementaire a fixé le taux du prix du temps : c’est le taux de l’intérêt légal. La différence constitue une sanction qui comme telle aurait dû être motivée. Faute de cette motivation, elle ne pouvait être réclamée. CQFD.

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L’intérêt de retard n’est ni tout à fait le prix du temps ni tout à fait une sanction. Le juge s’est donc affranchi de la jurisprudence de la Cour de cassation. Quoi qu’il faille replacer les décisions rendues par la Haute Juridiction dans leur contexte. En effet, les affaires examinées par la Haute Juridiction portaient sur les années 1987 à 1992. A cette époque le taux de l’intérêt légal était d’environ 9 à 10 %. Le juge a donc réduit le taux de l’intérêt de retard sans affirmer tenir ce droit du pouvoir de modulation que prévoit la Convention européenne des droits de l’homme. Gageons néanmoins qu’il y a puisé le fondement de sa décision.

Jusque là réservé à des cas marginaux, le champ de la demande de modération prend une nouvelle dimension. Le jugement du TGI de PARIS ouvre la voie à des demandes contentieuses dès lors que le Service n’aura pas pris soin de motiver la quote-part de l’intérêt de retard excédant le taux légal.

Source : CRIDON-PARIS, 1er février 2001, II page 95