Etude de Madame Catherine BOSGIRAUD et Maître Christian PISANI sur la réforme issue de la loi MURCEF du 11 décembre 2001

En supprimant la formalité qui consistait pour les notaires à recueillir le visa des directeurs des services fiscaux avant la publication des actes au fichier immobilier des bureaux des hypothèques, la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier (dite « loi MURCEF ») adopte une disposition importante pour la pratique des opérations immobilières des collectivités locales.

I – Selon l’article 18 de la loi du 24 décembre 1969, « Il est fait défense aux conservateurs des hypothèques de publier les actes d’acquisition d’immeubles souscrits pour le compte des collectivités ou organismes dont les actes sont soumis à la procédure consultative applicable en matière d’opérations immobilières, d’architectures et d’espaces protégés lorsque ces actes n’auront pas été l’objet, au préalable, d’un visa du directeur des services fiscaux constatant s’ils satisfont aux conditions prescrites ».

Ce visa du directeur des services fiscaux avait pour objet de contrôler le respect des procédures consultatives. Il s’exprimait par une fiche de visa sollicitée du directeur des services fiscaux du lieu de situation de l’immeuble, pour lequel les services avaient délivré l’avis. Un exemplaire de cette fiche était retourné au notaire qui l’annexait à son acte ; l’autre exemplaire était adressé au bureau des hypothèques lors de l’accomplissement de la formalité de publicité foncière. Le conservateur vérifiait la concordance de la fiche de visa avec les stipulations de l’acte et la retournait à la direction des services fiscaux, annotée de la mention de publicité foncière.

Cet article est abrogé par la loi MURCEF. Le « visa des domaines » n’est donc plus requis. 

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II – L’article 23 de la loi MURCEF modifie le champ d’application de « l’avis du directeur des services fiscaux ».

1) Les opérations immobilières concernées :

Sont visés par l’article 23-II :

« 1° Les baux, accords amiables et conventions quelconques ayant pour objet la prise en location d’immeubles de toute nature d’un loyer annuel, charges comprises, égal ou supérieur à un montant fixé par l’autorité administrative compétente ;

2° Les acquisitions à l’amiable, par adjudication ou par exercice du droit de préemption, d’immeubles, de droits réels immobiliers, de fonds de commerce et de droits sociaux donnant vocation à l’attribution, en pleine propriété, d’immeubles ou de parties d’immeubles, d’une valeur totale égale ou supérieure à un montant fixé par l’autorité administrative compétente, ainsi que les tranches d’acquisition d’un montant inférieur, mais faisant partie d’une opération d’ensemble d’un montant égal ou supérieur ;

3° Les acquisitions poursuivies par voie d’expropriation pour cause d’utilité publique ».

2) Les personnes morales et organismes visés :

L’article 23-I concerne :

« 1° Les collectivités territoriales, leurs groupements, leurs établissements publics et leurs concessionnaires ;

2° Les sociétés et organismes dans lesquels les collectivités, personnes ou établissements publics mentionnés au 1° exercent un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion, ou détiennent, ensemble ou séparément, la majorité du capital ou des voix dans les organes délibérants, lorsque ces sociétés ou organismes ont pour objet des activités immobilières ou des opérations d’aménagement ;

3° Les organismes dans lesquels les personnes mentionnées aux 1° et 2° exercent un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion, ou détiennent, directement ou indirectement, ensemble ou séparément, la majorité du capital ou des voix dans les organes délibérants, lorsque ces organismes ont pour objet des activités immobilières ou des opérations d’aménagement ».

L’article 23-I vise un nombre plus important de personnes publiques que la loi du 1er décembre 1942 modifiant le décret-loi du 5 juin 1940 (départements, communes, leurs établissements publics, leurs concessionnaires de travaux publics).
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Indéniablement, régions, départements, communes, leurs groupements (EPCI), leurs établissement publics (hôpitaux locaux, musées communaux, centre communaux d’action sociale, …) et leurs concessionnaires sont visés.

Sont également concernés par l’application de ce texte certaines sociétés et certains organismes ; encore faut-il que deux conditions soient réunies. La première tient à l’objet social de la société ou de l’organisme : réalisation d’activités immobilières ou d’opérations d’aménagement ; la seconde tient à l’existence sur ces sociétés ou organismes d’un contrôle par « les collectivités, personnes ou établissements publics mentionnés au 1° ». Ce contrôle réside soit dans l’exercice d’un « pouvoir prépondérant de décision ou de gestion », soit dans la détention de la majorité du capital ou des voix dans les organes délibérants.

D’autres personnes morales risquent d’être concernées par l’application de l’article 23. Il s’agit des organismes ayant pour objet la réalisation d’activités immobilières ou d’opérations d’aménagement, quel que soient leur statut (de droit public ou de droit privé), leur forme (société, association, …) et dans lesquels « les personnes mentionnées au 1° et 2° » détiennent un pouvoir de contrôle.

Les sociétés d’économie mixte locale d’aménagement ou de construction sont directement visées par le texte ; les sociétés dans lesquelles ces SEML ont des participations pourront également être concernées

Dès lors que l’article 23 est applicable aux opérations immobilières concernées et aux personnes visées, celle-ci doivent délibérer au vu de « l’avis du directeur des services fiscaux » et non au vu de « l’avis du service des Domaines ».

III – S’agissant des opérations immobilières, les nouveaux seuils viennent d’être fixés par un arrêté du 17 décembre 2001 modifiant l’arrêté du 5 septembre 1986). Ils s’établissent respectivement à 12 000 € pour la prise à bail (loyer annuel, charges comprises) et 75 000 € pour l’acquisition d’un immeuble (valeur du bien acquis).

Source : JCPN 2002 n° 5 page 1098