CASS. CRIM. 29 juin 1999

Méconnaît l’article L.480-4 du Code de l’Urbanisme, l’arrêt qui condamne les acquéreurs de deux terrains en vue de l’édification d’une maison d’habitation conformément au permis de construire obtenu par le vendeur et autorisant trois maisons, pour avoir entrepris les travaux sans avoir obtenu une décision de transfert dudit permis de construire à leurs noms, alors que le défaut de transfert du permis de construire au profit de l’acquéreur d’une parcelle n’entre pas dans les prévisions du texte susvisé.

Note de M. CORNILLE : C’est la première fois, à notre connaissance, que la chambre criminelle de la Cour de Cassation confirme que celui qui réalise des travaux en vertu d’un permis de construire obtenu par un autre, mais sans avoir obtenu ni demandé un transfert dudit permis de construire à son nom, n’est pas pénalement répréhensible pour avoir réalisé des travaux sans permis au regard de l’article L.480-4 du Code de l’Urbanisme.

La solution est fondée sur le vieux principe de la légalité des délits de Beccaria :

« Nul ne peut être puni pour un crime ou un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi, ou pour une contravention dont les éléments ne sont pas définis par le règlement (…) » (C. Pén. Rt. 111-3, al. 1er).

Elle est extrêmement importante et doit être approuvée : le permis de construire a un caractère réel ; il autorise un projet de construction et n’est pas délivré en considération de la personne du constructeur. La circulaire n° 73-58 du 16 mars 1973 qui réglemente la pratique du transfert de permis de construire prévoit un certain nombre de cas dans lesquels il ne peut faire l’objet d’un transfert (nouveau bénéficiaire tenu de recourir à un architecte ; PC subordonné à l’obtention d’une autorisation d’ouverture d’une grande surface, d’une installation classée…), auquel il faut ajouter l’hypothèse, gênante en pratique, du permis de construire obtenu par un agriculteur en zone NC qu’il s’agit de transférer à un non-agriculteur.
…/… 

Force est de constater que la présente décision n’autorise aucune distinction. Aucun texte, et notamment pas la circulaire du 16 mars 1973 (préc., laquelle n’a d’ailleurs pas valeur réglementaire) ne prévoyant d’incrimination pénale en cas de réalisation de travaux par un constructeur, non pas sans permis, mais en vertu d’un permis qui n’a pas été transféré à son nom, ce constructeur ne commet aucun délit.

La solution est de nature à conforter la pratique des « majors » de la construction lesquels, le permis de construire leur ayant été délivré, font réaliser le programme par (et pour le compte) d’une ou plusieurs de leurs filiales, sans demander le transfert de l’autorisation. Il en est de même pour certaines opérations de crédit-bail immobilier portant sur des immeubles à construire.

Source : Construction-Urbanisme, décembre 1999 page 18