CASS. COM. 30 janvier 2001

Des garanties ne sont pas privées d’autonomie par de simples références au contrat de base, n’impliquant pas appréciation des modalités d’exécution de celui-ci pour l’évaluation des montants garantis, ou pour la détermination des durées de validité.

Une garantie autonome n’est pas éteinte lorsqu’en cas de redressement ou de liquidation judiciaire du donneur d’ordre, le créancier bénéficiaire de la garantie ne déclare pas au passif sa créance ; en conséquence, il peut assigner directement le garant.

Note de M. Dominique LEGEAIS :

1 – Les arrêts relatifs à la garantie indépendante se suivent à un rythme soutenu, ce qui démontre que cette garantie conserve toujours une part de son mystère. Plus concrètement, elle demeure souvent difficile à distinguer du cautionnement. S’il est aisé d’affirmer que la garantie indépendante est autonome, il est beaucoup plus délicat de déterminer à la lecture des actes signés les garanties qui sont autonomes et celles qui ne le sont pas. L’exercice s’avère particulièrement périlleux dès lors que la garantie est utilisée dans les relations internes comme substitut du cautionnement. Tout en affirmant l’autonomie de l’engagement, les parties manifestent en effet une certaine tendance à la rattacher plus ou moins artificiellement au contrat de base. Il faut alors souvent être devin pour déterminer s’il s’agit encore d’une garantie à première demande, d’un cautionnement ou d’une garantie intermédiaire tel un constitut ou pourquoi pas un cautionnement à première demande.

2 – Après quelques autres, l’arrêt commenté fournit un bon exemple de ces difficultés.

La Banque SOGENAL s’était en effet « engagée à payer indépendamment de la validité et des effets juridiques du contrat passé entre une société HUBSCH et la SCOA aux droits de laquelle se trouve la BNP PARIBAS à première demande et sans faire valoir d’exception ni d’objection résultant du contrat dans les limites et jusqu’à concurrence des montants ci-dessus contre remise d’une demande de paiement sous forme de lettre recommandée avec accusé de réception dûment signée par la société SCOA et portant déclaration que la société HUBSCH n’a pas rempli ses obligations contractuelles au plus tard quinze jours après chacune des échéances stipulées ci-dessus ».

Les montants dus étaient payés par des billets à ordre. Les deux premiers furent normalement honorés par le débiteur, les deux seconds par la SOGENAL. Cette dernière refusa d’honorer sa garantie concernant le dernier billet quand elle eût appris le dépôt de bilan du débiteur principal. Elle tenta alors d’obtenir la requalification de son engagement en cautionnement. La Cour de Cassation approuve la Cour d’Appel d’avoir refusé de faire droit à cette demande. Elle l’approuve également d’en avoir déduit que la garantie n’était pas éteinte lorsqu’en cas de redressement ou de liquidation judiciaire du donneur d’ordre, le bénéficiaire de la garantie ne déclare pas au passif sa créance. Cette solution est une conséquence directe de l’autonomie de la garantie. Elle est incontestable même si cet arrêt est le premier de la Cour de Cassation à la consacrer.
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3 – Les conditions nécessaires à la qualification de garantie indépendante sont aujourd’hui énoncées dans une formule inaugurée par un arrêt récent (Cass. Com., 27 juin2000) que reprend cet arrêt dans sa quasi totalité : « Un engagement ne peut être qualifié de garantie autonome que s’il n’implique pas une appréciation des modalités d’exécution du contrat de base pour l’évaluation des montants garantis ou pour la détermination des durées de validité et s’il comporte une stipulation de l’inopposabilité des exceptions ».

Deux conditions sont ainsi requises : l’inopposabilité des exceptions et l’autonomie de l’objet de la garantie.

Source : JCPN 2001 n° 21 page 956