La fraude commise lors de la conclusion de baux dérogatoires successifs interdit au bailleur de se prévaloir de la renonciation du preneur au droit à la propriété commerciale.
Note de M. Yves ROUQUET :
Contournant le jeu de la propriété commerciale, un bailleur avait, au visa de l’article L. 145-5 du Code de commerce, conclu un premier bail de vingt-trois mois avec une société, puis, sur le même fondement et pour la même durée, un deuxième avec un prête-nom (en l’occurrence, un associé majoritaire de la société) et un troisième avec la société bénéficiaire du premier contrat.
Par une clause expresse contenue dans cette dernière convention, le preneur déclarait renoncer au bénéfice du statut des baux commerciaux.
Se posait ainsi, à titre principal, la question de la validité de cette renonciation.
Le bailleur prétendait, en outre, que l’action en revendication de la propriété commerciale intentée par la société était atteinte par la prescription biennale de l’article L. 145-60 du Code de commerce.
Concernant la renonciation du preneur au bénéfice des articles L. 145-1 et suivants du Code de commerce, la haute juridiction censure le juge du fond pour avoir considéré que la clause était valable et devait produire ses effets pleins et entiers.
Si une renonciation à un droit acquis est tout à fait envisageable (Civ. 3e, 3 mars 1993), qui plus est, lorsqu’elle intervient, comme au cas particulier, par le biais d’une stipulation expresse (Civ. 3e, 25 févr. 2004), encore faut-il que cet acte ne soit pas gangrené par la fraude, dont on sait qu’elle corrompt tout.
Or, le comportement frauduleux du bailleur ne faisait ici pas de doute, le prête-nom n’étant pas immatriculé au registre du commerce et des sociétés, le commerce exploité étant toujours le même et les loyers et les charges étant toujours réglés par la société.
Quant à l’argument de la prescription de l’action en revendication de la propriété commerciale par la société preneuse, il n’est pas retenu : appliquant encore l’adage, fraus omnia corrumpit, la Cour de cassation approuve la Cour d’appel pour avoir jugé que le délai de prescription avait été suspendu pendant la durée du bail conclu avec le prête-nom.