CASS. CIV. 3è, 30 juin 1999 (2 arrêts)

Commentaires de Monsieur Marc BRUSCHI :

L’exigence de l’unanimité qui préside à la conclusion et à l’exécution du bail continue de soulever un contentieux important et susceptible d’ajouter à la paralysie qui affecte déjà la gestion des immeubles indivis mis en location. Par deux arrêts rendus le même jour, la troisième chambre civile de la Cour de Cassation a été amenée à préciser les contours du domaine du principe d’unanimité tout en l’assortissant de certains tempéraments.

Le principe de l’unanimité et l’inopposabilité qui le sanctionne s’imposent en jurisprudence à toutes les étapes de la vie d’un bail et notamment lors de l’action en résiliation (Cass. 3è civ. 23 mars 1994 ; 29 mars 1995 ; 19 juillet 1995, Bull. Civ. III n° 204).

Dans la première espèce commentée, sans l’accord de tous les coïndivisaires, l’un d’entre eux avait fait délivrer un commandement de payer visant une condition résolutoire à une société qui louait un ensemble immobilier. Même si reconventionnellement cet indivisaire avait limité ensuite son action au paiement des loyers, la société locataire soulevait la nullité du commandement faute d’unanimité des bailleurs. Approuvant les juges du fond, la Cour de Cassation considère que cette action en paiement « constituait une action relative à l’inexécution des obligations nées du bail (…) et s’analysait comme un acte d’administration requérant le consentement de tous les indivisaires ». 

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Simplement, on remarquera que l’indivisaire qui avait agi seul avait délivré un commandement de payer qui est souvent le préalable obligatoire à une action en paiement ou en résiliation du bail. Cet acte d’huissier valant mise en demeure du locataire nécessite-t-il aussi l’unanimité des indivisaires à l’instar de l’action en paiement proprement dite ?

Dans la seconde espèce jugée le même jour, la Cour de Cassation répond en partie à cette question. Il s’agissait ici d’un bail rural dans lequel une partie des indivisaires propriétaires des terres avait assigné en résiliation du bail les ayants-droit d’un fermier. Ces derniers contestaient la validité de l’action en résiliation qui n’avait pas été intentée par l’ensemble des indivisaires. La troisième chambre civile de la Cour de Cassation approuve ici la cour d’appel qui a prononcé la résiliation du bail aux motifs que les commandements de payer des fermages qui avaient précédé l’action en résiliation pouvaient émaner d’une partie seulement des coïndivisaires et que certains indivisaires qui n’avaient pas lancé l’assignation au début de la procédure étaient intervenus volontairement dans celle-ci en cause d’appel après le décès de leur auteur.

Source : RDI 99 n° 4 page 619