CASS. CIV. 3è, 24 novembre 1999 BIS

Une servitude conventionnelle de passage ne comporte pas nécessairement le droit d’établir des canalisations souterraines.

Note de M. SIZAIRE : Le titulaire d’une servitude conventionnelle de passage reliant un terrain sur lequel était édifié une maison à la voie publique assigne le propriétaire du fond servant pour se faire reconnaître le droit d’installer des canalisations souterraines d’eau, d’électricité et de téléphone, dans l’emprise du passage. La CA accueille la demande après avoir constaté l’existence d’une servitude conventionnelle de passage résultant d’un procès-verbal de conciliation, en retenant que s’il est certain que l’article 702 du Code Civil, exclut toute aggravation de la charge grevant le fond servant, il est constant qu’une servitude conventionnelle de passage comprend le droit d’établir des canalisations souterraines, expression actuelle et simplifiée du droit de faire passer des porteurs d’eau, et que par conséquent le droit d’établir des canalisations est compris dans le droit de passage et n’en est qu’un accessoire.

La cassation est prononcée au visa des articles 691 et 1134 du Code Civil, au motif :

« qu’en statuant ainsi, par un motif d’ordre général, tout en relevant que le procès-verbal de conciliation… n’avait établi sur le fond des consorts F,au profit de celui devenu la propriété des époux L., qu’une servitude de passage à usage de chemin muletier, sans constater l’existence d’une convention autorisant le passage de canalisations, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »

Il faut mesurer la portée de l’arrêt. Il est vrai qu’une servitude continue et non apparente comme le passage de canalisations et de câbles en sous-sol ne peut s’établir que par titre (C. Civ., art. 691) et que l’usage et l’étendue des servitudes ainsi établies se règlent en principe par le titre (C. Civ., art. 686).

…/… 

D’un autre côté, quand on établit une servitude, on est censé accorder tout ce qui est nécessaire pour en user, nous dit l’article 696 du Code Civil, qui donne l’exemple selon lequel la servitude de puiser de l’eau à la fontaine d’autrui emporte nécessairement le droit de passage. Ainsi a-t-il été admis qu’une servitude conventionnelle de passage peut, selon l’interprétation souveraine des juges du fond, comprendre le droit d’établir des canalisations souterraines, expression actuelle et simplifiée du droit de faire passer des porteurs d’eau (Cass. 1ère civ., 14 octobre 1963). L’expression a été reprise mots à mots par la CA dont l’arrêt est ici cassé. Une servitude de passage n’emporte pas nécessairement le droit d’établir des canalisations dans son emprise. La CA est sanctionnée pour avoir statué ainsi « par un motif d’ordre général » sans avoir recherché si, en fonction de l’intention des parties et de la convention, le droit de passage pouvait être considéré comme s’étendant à celui de faire passer des canalisations dans le sous-sol de l’assiette du passage (Cass. 3è civ., 7 décembre 1998 : Constr.-Urb. 1999, comm. N° 90) alors qu’il résultait du titre qu’il n’avait été établi « qu’une servitude de passage à usage de chemin muletier ». On observera que l’interprétation du titre conventionnel relève de l’appréciation souveraine des juges du fond (Cass. 1ère civ., 14 octobre 1963).

Lorsqu’il s’agit de la servitude légale de passage de l’article 682 du Code Civil, en cas d’enclave, la question de savoir si la servitude s’applique aux canalisations donne lieu à une appréciation objective : le passage de canalisations est-il indispensable à une utilisation normale du fond enclavé ? Dans ce cas le propriétaire du fond servant ne peut pas s’y opposer (Cass. 3è civ. 14 décembre 1977 – CA PARIS, 14 janvier 1998).

Source : Construction-Urbanisme, janvier 2000 page 16