CASS. CIV. 3è, 11 mai 2000

Une SCI de notaires, la SCP M, avait été chargée par la société E, propriétaire de parcelles, ainsi que par la Compagnie N, titulaire d’un bail à construction sur l’une des parcelles, de l’établissement des actes de vente du terrain et du bail au profit d’un même acquéreur, les deux ventes devant être indivisibles.

Un notaire de la SCP établissait une promesse de vente et une déclaration d’intention d’aliéner qui mentionnait la cession envisagée par la société E et précisait l’existence d’un bail à construction consenti sur une partie du terrain. La commune ayant déclaré exercer son droit de préemption pour le prix indiqué dans la DIA, les deux sociétés assignaient la SCP en responsabilité, d’abord, pour ne pas avoir précisé dans la DIA que les ventes étaient solidaires, et ensuite, pour manquement au devoir de conseil.

Constatant que la cour d’appel de SAINT DENIS DE LA REUNION avait « relevé que les deux sociétés souhaitaient réaliser concomitamment la vente de leurs droits portant l’un sur un immeuble, l’autre sur le bail à construction consenti à la première sur une partie de l’immeuble », la cour de cassation approuve l’arrêt qui, ayant retenu « que le droit de préemption de la commune ne pouvait concerner le bail à construction dont la (compagnie C) était titulaire et que la transmission simultanée du terrain et du droit au bail ne pouvait y faire échec, en a exactement déduit qu’il ne pouvait être fait grief au notaire rédacteur de ne pas avoir fait apparaître la solidarité voulue par les deux venderesses dès lors que cette condition était inopposable à la commune pour l’application de son droit de préemption ».

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La Cour Suprême approuve encore les juges d’appel qui avaient « retenu que le notaire avait manqué à son obligation de conseil en n’ayant pas attiré l’attention des parties sur le risque pour les deux venderesses de ne pouvoir réaliser la double opération envisagée en cas d’exercice du droit de préemption et que la (compagnie C) qui n’est pas un professionnel des actes immobiliers, n’avait pu réaliser la vente de ses droits au moment et dans les conditions prévues et avait subi de ce chef un préjudice certain ».

Note :Par une rédaction plus habile, le notaire, qui est tenu de faire tout ce qu’il convient pour doter son acte de l’efficacité recherchée, aurait-il pu atteindre ici l’objectif poursuivi par les parties ? La Cour de Cassation démontre que la convention projetée ne pouvait produire effet en cas d’exercice par la commune de son droit de préemption, mais il appartenait au notaire d’en avertir ses clients.

Source : Droit et Patrimoine Hebdo, 14 juin 2000 page 3