CASS. CIV. 3è, 10 janvier 2001

Le droit à la transformation de l’usage d’un appartement lorsqu’il est limité par un coefficient d’occupation des sols (COS) ou la réalisation de modifications dans l’utilisation de locaux existants ayant une incidence sur le coefficient d’occupation des sols calculé sur le sol, partie commune de l’immeuble, constitue l’exercice d’un droit accessoire aux parties communes.

Note de M. Claude GIVERDON :

Les données de l’espèce sont assez simples. Dans un immeuble en copropriété dont les locaux des troisième et quatrième étages étaient à usage de magasin et d’habitation, le copropriétaire (la Librairie Arthème-Fayard) des lots dans lesquels ces locaux étaient situés les avait affectés à usage de bureaux. Des travaux avaient été en outre entrepris (création d’un escalier ayant une emprise sur deux niveaux de 1,75 m² sur une courette intérieure, extension des bureaux sur une certaine superficie de la cour commune) provoquant une demande en restitution de parties communes formulée par un autre copropriétaire. Cette demande, pour justifier le rétablissement des lieux dans leur état antérieur, invoquait la modification illicite de la destination des parties privatives et l’utilisation des droits de construire attachés à l’immeuble par le coefficient d’occupation des sols.

L’arrêt attaqué (CA Paris 29 octobre 1998) avait déclaré la demande irrecevable, d’une part, en retenant acquise la prescription de dix ans de l’article 42, alinéa 1, de la loi du 10 juillet 1965 en ce qui concerne la modification des locaux (réalisée entre 1966 et 1976) et, d’autre part, en relevant l’absence de caractérisation de l’intérêt légitime à agir du copropriétaire demandeur, à raison d’un préjudice personnel éprouvé dans la jouissance ou la propriété des parties communes, la cour étant, selon le règlement de copropriété, à l’usage exclusif de la société Arthème-Fayard.

L’arrêt de la 3è chambre civile du 10 janvier 2001 casse l’arrêt attaqué au visa des articles 15 et 42 de la loi du 10 juillet 1965.

L’action introduite dans ces conditions contre le copropriétaire, auteur de ces modifications, est une action réelle née de la réglementation de l’urbanisme. Elle échappe à la prescription de dix ans de l’article 42, alinéa 1, de la loi du 10 juillet 1965 et elle peut être exercée, à titre individuel, par un copropriétaire agissant en vue de la sauvegarde des droits afférents à l’immeuble.

Le coefficient d’occupation des sols étant supposé établi, dans une copropriété « classique » à partir d’un sol d’assiette, partie commune, il était logique d’avancer la notion de droit accessoire aux parties communes telle que l’envisage l’article 3 de la loi du 10 juillet 1965.

 

 

 

La mise en œuvre de cette règle ne sera pas toujours aisée. Pour déterminer si des transformations ou des changements d’affectation n’ont pas pour résultat d’excéder la densité constructible, il conviendra sans doute de faire la somme des densités différenciées utilisées et de la comparer au coefficient d’occupation des sols applicable à l’ensemble du sol d’assiette, compte tenu de sa superficie ; s’il reste un reliquat, la transformation (par exemple, de combles en appartement) ou les changements d’affectation seront possibles ; si au contraire la densité constructible globale a été épuisée ou, a fortiori, dépassée, ces opérations ne seront pas possibles et l’on précisera, avec l’arrêt commenté, que l’action introduite pour le faire constater est une action réelle pour l’exercice de laquelle tout copropriétaire a qualité dans le cadre de la sauvegarde des droits afférents à l’immeuble indépendamment du point de savoir s’il éprouve un préjudice personnel.

Finalement, la position adoptée par la Cour de cassation introduit un paramètre supplémentaire dans le volumineux dossier des changements d’affectation des parties privatives des lots de copropriété. En plus du point de savoir si ces changements sont conformes à la destination de l’immeuble et sils ne portent pas atteinte aux droits des autres copropriétaires, il faut encore rechercher s’ils n’ont pas pour résultat d’excéder les limites du coefficient d’occupation des sols calculé sur le sol, partie commune.

Voilà qui ne facilitera pas la solution de cet épineux problème.

Source : AJDI 2001 n° 5 page 438