C.E. 6 octobre 1999

Le locataire d’un local situé dans un immeuble préempté peut contester la décision de préemption de cet immeuble.

 

Note de M. Laurent TOUVET :

1 – La jurisprudence sur l’intérêt pour agir contre les décisions de préemption est plutôt restrictive. Cet intérêt a été reconnu :

– au propriétaire vendeur ;
– à l’acquéreur potentiel, titulaire d’une promesse de vente ;
– à l’acquéreur initial, même s’il a entre-temps décidé de céder ses droits à un autre acquéreur moyennant le versement d’une commission.

En revanche, il a été refusé :

– au voisin de l’immeuble ou du terrain préempté ;
– au candidat non retenu à la reprise de l’activité d’une société en liquidation judiciaire.

2 – Ici le Conseil d’Etat reconnaît cet intérêt pour agir au locataire d’un local situé dans l’immeuble préempté. Il nous semble qu’il s’écarte du principe selon lequel les décisions de préemption n’ont aucune incidence sur les tiers, auprès desquels elles ne font l’objet d’aucune publicité. Ces tiers à l’acte, c’est à dire toute autre personne que le veneur et l’acheteur, ne sont donc pas recevables à contester la décision de préemption.

Cassant un arrêt de la Cour Administrative de PARIS, le Conseil d’Etat considère donc qu’un locataire n’est pas un tiers à l’acte, car la mutation foncière peut entraîner des travaux qui sont susceptibles d’affecter les conditions de leur maintien dans les lieux.
…/… 

On peut citer l’article L.213-10 du code, aux termes duquel « ils [les locataires] peuvent à tout moment déclarer au titulaire du droit de préemption leur intention de quitter les lieux et de résilier le bail ».

En revanche, la préemption ne remet pas en cause le bail lui-même et n’affecte pas les droits que le locataire tient de ce bail. Quel est l’intérêt du locataire, sinon celui de choisir son propriétaire ?

Sur le deuxième critère, nous sommes encore plus critiques, par souci de la sécurité juridique des décisions de préemption. Reconnaître un intérêt pour agir à des personnes à qui la décision n’est pas notifiée et à l’égard desquelles aucune publicité ne peut jouer équivaut à laisser le délai de recours indéfiniment ouvert à leur profit.

Source : BJDU 99 n° 5 page 388