C.E. 6 octobre 1999 BIS

Le locataire de locaux faisant partie d’un bien préempté justifie à ce titre d’un intérêt lui donnant qualité pour déférer à la juridiction administrative la décision par laquelle une collectivité publique a décidé de faire usage de son droit de préemption sur ce bien ; la circonstance que le bail pourrait ne pas avoir le caractère d’un bail commercial n’est pas de nature à priver le demandeur de sa qualité de locataire et par suite à faire échec sur ce point à la recevabilité de son action.

Note de M. CORNILLE : La décision ci-dessus, qui sera publiée aux Tables du Recueil Lebon, présente trois intérêts.

Le premier est d’ajouter le locataire de l’immeuble à la liste, déjà longue, des personnes ayant qualité pour agir en annulation d’une décision de droit de préemption urbain illégale. Outre le propriétaire de l’immeuble lui-même, on sait que sont admis à agir : le bénéficiaire d’une promesse de vente sur l’immeuble, initial ou substitué (CE, 16 juin 1993, Cne Etampes – 16 déc. 1994, Beckert – CAA Paris, 16 avr. 1996, Cne Aubervilliers – CE, 30 juill. 1997, Sté Nouvelle Etude Berry, M. Attali), le bénéficiaire d’un droit (ou pacte) de préférence (CE, 20 mars 1991, Roucaute ).
Le deuxième est d’admettre que le locataire d’une partie seulement de l’immeuble préempté a qualité pour agir, sans doute tout autant que celui de l’entier immeuble.
Le troisième, probablement le plus important, est de ne pas limiter la faculté d’agir au seul locataire titulaire d’un bail commercial, ce sur quoi la CAA de PARIS s’était fondée dans la présente espèce pour déclarer l’association locataire irrecevable dans son action. Selon le CE, l’absence de droit du locataire au statut du décret du 30 septembre 1953 n’est pas de nature à le priver de sa qualité de locataire.

On observera que cette nouvelle ouverture du droit de critique des droits de préemption des collectivités publiques est de nature à gonfler encore le contentieux y afférent. Pour les locataires à usage d’habitation, en particulier, ces droits viennent en concours, et même priment plus exactement leurs propres droits de préemption de droit privé, de sorte qu’obtenir l’annulation de la décision publique leur permet le cas échéant de préserver leur droit de devenir propriétaires des immeubles qu’ils occupent lors de la vente.

Source : Construction-Urbanisme, janvier 2000 page 21)