C.E. 30 mai 2001 SCI LES JARDINS DE MENNECY

Ne constitue pas un recours gracieux contre un permis de construire de nature à proroger le délai du recours contentieux une lettre adressée au maire qui ne comporte aucune demande de retrait dudit permis.

Note de M. Philippe BENOIT-CATIN :

« Considérant que si l’Association pour la sauvegarde de la sécurité, de l’environnement et du patrimoine du vieux Mennecy a soutenu devant la cour que la lettre qu’elle avait adressée au maire de Mennecy le 17 mars 1993 avait eu pour effet de proroger le délai du recours contentieux, la cour n’a pu sans dénaturation regarder cette correspondance, qui ne contient aucune demande de retrait du permis litigieux et se borne à interroger le maire sur d’éventuelles méconnaissances du plan d’occupation des sols, comme un recours gracieux. »

Voilà un « considérant » qui sonne comme un rappel à l’ordre, au demeurant bienvenu, tant il paraît indispensable, dans le dialogue qui peut se nouer entre l’administration et ses usagers, de distinguer une simple demande de renseignement ou d’éclaircissement d’une requête gracieuse préalable susceptible de maintenir ouvert le délai de saisine du juge. Il serait difficilement admissible que le délicat équilibre entre le principe de légalité et celui de stabilité juridique soit rompu, au détriment de cette dernière, par le seul effet d’une demande dont les termes ne sont pas suffisamment précis, surtout lorsqu’elle est formulée par un tiers.

Le recours ne peut produire un effet conservatoire sur le délai du recours contentieux que s’il est assorti de conclusions, c’est à dire comporte l’expression de ce qui est demandé à l’administration. Cette exigence n’est pas nouvelle et le Président Odent relevait que « si ce recours peut ne pas contenir des moyens de droit, il faut au moins qu’il contienne des conclusions » (Contentieux administratif, Cours de l’IEP Paris, 1970-71 p. 841).

Bien entendu, le respect des formalités imposées par l’article R.600-1 du Code de l’Urbanisme est sans influence sur la nature de la réclamation et ne saurait tenir lieu de « conclusions » permettant de tenir ouvert le délai du recours contentieux : ce n’est que si la requête adressée à l’administration prend la qualification d’un recours gracieux qu’elle devra être notifiée au bénéficiaire du permis contesté, à peine d’irrecevabilité du recours contentieux ultérieur. A défaut de pouvoir s’analyser comme telle, cette réclamation serait de toute façon impuissante à proroger le délai du recours pour excès de pouvoir.

Source : CONSTRUCTION-URBANISME, septembre 2001 page 23