C.A. PARIS, 28 janvier 1999

C’est à l’occasion d’un règlement successoral que l’affaire a éclaté. Pour acheter un appartement, un restaurateur avait constitué une société composée de lui-même, d’un ami et d’un prête-nom. En réalité ces deux derniers n’avaient en aucune manière financé l’opération ; ils avaient du reste signé des actes de cession en blanc qui permettaient au véritable acquéreur de rester seul propriétaire de l’immeuble. Au cours des années, ces cessions ont été effectivement réalisées de sorte que depuis 1970 le restaurateur n’avait plus que des associés fictifs.

La Cour de PARIS a donc jugé que par application des articles 1832 et 1844-10 du Code Civil, la société était nulle faute d’affectio societatis. La solution est classique ; il est jugé que lorsqu’au moment de la constitution d’une société les associés font une cession en blanc des parts qu’ils viennent d’acquérir l’affectio societatis fait totalement défaut et la société est fictive (Cass. Com. 6 octobre 1953 ; CA PARIS, 8 mars 1966 ; rapp. Cass. 1ère civ. 20 oct. 1971).

Restait le problème de savoir si l’action en nullité était encore recevable. Certains protagonistes soutenaient qu’elle était prescrite par application de l’article 1844-14 du Code Civil qui prévoit un délai de trois ans à partir du jour où la nullité est encourue. Cet argument aboutit à un paradoxe : la nullité aurait pu être invoquée de 1970 à 1973, c’est à dire à partir de la perte de l’affectio societatis, mais non plus ultérieurement ; on arriverait ainsi à valider la société alors qu’elle continuerait à manquer de l’un de ses éléments essentiels.

La Cour de PARIS évite ce résultat en considérant que la prescription ne peut courir en cette hypothèse que de la disparition de la cause permanente de la nullité « c’est à dire de la reconstitution d’une affection societatis qui a pour conséquence que la nullité cesse d’être « encourue » mais aussi selon l’article 1844-11, que l’action en nullité se trouve « éteinte ». C’est le bon sens : tant que la cause de nullité existe, l’action en annulation doit être possible.

Source : RDI 99 n° 4 page 657