Etude sur le volet « sols pollués » de la loi ALUR

Permettre le « recyclage maîtrisé » d’anciens sites industriels : voilà un des axes de l’article 173 de la loi ALUR du 24 mars 2014.

Dans ce cadre, afin de satisfaire les nouveaux besoins immobiliers liés aux stratégies de renouvellement urbain et de lutte contre l’étalement urbain, la loi ALUR comprend des dispositions visant à :

– améliorer l’information des populations sur la pollution des sols ;

– encourager l’engagement des acteurs publics et privés dans le redéploiement des friches industrielles vers un usage résidentiel ;

– opérer une clarification des responsabilités des acteurs et établir un cadre sécurisé propice à la réhabilitation des friches.

Elaboration de secteurs d’information sur les sols

La loi ALUR révise l’article L. 125-6 du Code de l’environnement, qui prévoyait que l’Etat devait rendre publiques les informations dont il disposait sur les risques de pollution des sols, lesquelles devaient être prises en compte dans les documents d’urbanisme lors de leur élaboration et de leur révision.

Dorénavant, l’article L. 125-6 dispose que l’Etat élabore, au regard des informations dont il dispose, des secteurs d’information sur les sols qui comprennent les terrains où la connaissance de la pollution des sols justifie, notamment en cas de changement d’usage, la réalisation d’études de sols et de mesures de gestion de la pollution pour préserver la sécurité, la santé ou la salubrité publiques et l’environnement.

L’article prévoit également que l’Etat publie, au regard des informations dont il dispose, une carte des anciens sites industriels et activités de services.

Rappelons que Basias est l’inventaire historique de sites industriels et activités de service.

La base de données Basol porte sur les sites et sols pollués ou potentiellement pollués appelant une action des pouvoirs publics, à titre préventif ou curatif.

Il est également prévu que le certificat d’urbanisme devra indiquer si le terrain est situé sur un site répertorié sur cette carte ou sur un ancien site industriel ou de service dont le service instructeur du certificat d’urbanisme a connaissance.

Secteur d’information sur les sols : informations des locataires et acquéreurs

En complément, un nouvel article L. 125-7 du Code de l’environnement dispose que lorsqu’un terrain situé en secteur d’information sur les sols fait l’objet d’un contrat de vente ou de location, le vendeur ou le bailleur du terrain :
– doit en informer par écrit l’acquéreur ou le locataire ;
– et communiquer les informations rendues publiques par l’Etat.

A défaut, et si une pollution constatée rend le terrain impropre à la destination précisée dans le contrat, dans un délai de 2 ans à compter de la découverte de la pollution, l’acquéreur ou le locataire pourra :

– demander la résolution du contrat ;
– ou, selon le cas, se faire restituer une partie du prix de vente ou obtenir une réduction du loyer.

L’acquéreur pourra aussi demander la réhabilitation du terrain aux frais du vendeur si le coût de cette réhabilitation ne paraît pas disproportionné par rapport au prix de vente.

Des secteurs d’information engendrant une étude des sols pour des projets de construction ou de lotissement

Une autre conséquence de la création de ces secteurs d’information se trouve à l’article L. 556-2, nouvellement créé du Code de l’environnement : les projets de construction ou de lotissement prévus dans ces secteurs devront faire l’objet d’une étude des sols.

Il s’agira d’établir les mesures de gestion de la pollution à mettre en œuvre pour assurer la compatibilité entre l’usage futur et l’état des sols.

L’attestation n’est pas requise lors du dépôt de la demande de :

– permis d’aménager par une personne ayant qualité pour bénéficier de l’expropriation pour cause d’utilité publique, dès lors que l’opération de lotissement a donné lieu à la publication d’une déclaration d’utilité publique ;
– permis de construire, lorsque la construction projetée est située dans le périmètre d’un lotissement autorisé ayant fait l’objet d’une demande comportant une attestation garantissant la réalisation d’une étude des sols et sa prise en compte dans la conception du projet d’aménagement.

Possibilité pour un tiers intéressé de se substituer à l’exploitant de l’ICPE pour réaliser les travaux de réhabilitation

La loi ALUR fait sauter un verrou en créant un nouvel article L. 512-21 au sein du Code de l’environnement.

L’article prévoit que lors de la mise à l’arrêt définitif d’une ICPE ou postérieurement à cette dernière, un tiers intéressé peut demander au préfet de se substituer à l’exploitant, avec son accord, pour réaliser les travaux de réhabilitation en fonction de l’usage que ce tiers envisage pour le terrain concerné.

Lorsque l’usage ou les usages envisagés par le tiers demandeur sont d’une autre nature que ceux définis classiquement selon la législation ICPE, le tiers demandeur recueille l’accord du dernier exploitant, du maire ou du président de l’EPCI compétent en matière d’urbanisme et, s’il ne s’agit pas de l’exploitant, du propriétaire du terrain sur lequel est sise l’installation.

Le tiers demandeur adresse alors au préfet un mémoire de réhabilitation définissant les mesures permettant d’assurer la compatibilité entre l’usage futur envisagé et l’état des sols.

Le préfet se prononce sur l’usage proposé dans le cas où le tiers l’a fait évoluer et peut prescrire au tiers demandeur les mesures de réhabilitation nécessaires pour l’usage envisagé.

Des garde-fous sont toutefois exigés : ainsi, le tiers demandeur doit disposer de capacités techniques suffisantes et de garanties financières couvrant la réalisation des travaux de réhabilitation pour assurer la compatibilité entre l’état des sols et l’usage défini.

De plus, tout ne se fera pas sans contrôle : les arrêtés préfectoraux ainsi prévus par l’article pourront faire l’objet des mesures de polices prévues aux articles L. 170-1 et suivant du Code de l’environnement.

En cas de défaillance du tiers demandeur et de l’impossibilité de mettre en œuvre ses garanties financières, la balle revient alors dans le camp du dernier exploitant.

Celui-ci devra alors remettre en œuvre les mesures de réhabilitation pour l’usage défini dans les conditions traditionnelles, prévues aux articles L. 512-6-1, L. 512-7-6 et L. 512-12-1 du Code de l’environnement.

Obligation spéciale d’information ICPE en cas de vente : les possibilités de recours de l’acheteur plus encadrées

L’article L. 514-20 du Code de l’environnement est modifié par la loi ALUR.

Le principe est inchangé : lorsqu’une installation soumise à autorisation ou à enregistrement a été exploitée sur un terrain, le vendeur de ce terrain est tenu d’en informer par écrit l’acheteur ; il l’informe également, pour autant qu’il les connaisse, des dangers ou inconvénients importants qui résultent de l’exploitation.

Les obligations supplémentaires, relatives à la manipulation ou au stockage de substances si vendeur est l’exploitant de l’installation, sont également conservées.

Ce sont les actions ouvertes à l’acheteur en cas d’inobservation de ces obligations qui sont retouchées avec l’ajout d’une condition et d’un délai : l’article prévoit qu’à défaut et « si une pollution constatée rend le terrain impropre à la destination précisée dans le contrat, dans un délai de 2 ans à compter de la découverte de la pollution« , l’acheteur a le choix de demander la résolution de la vente ou de se faire restituer une partie du prix ; il peut aussi demander la réhabilitation du site aux frais du vendeur, lorsque le coût de cette réhabilitation ne paraît pas disproportionné par rapport au prix de vente.

Davantage de souplesse pour supprimer les servitudes d’utilité publique

L’article L. 515-12 du Code de l’environnement est complété afin de permettre la suppression de servitudes d’utilité publique devenues inutiles.

Ainsi, dans le cas des terrains pollués par l’exploitation d’une installation classée, lorsqu’une servitude d’utilité publique est devenue sans objet, elle peut être supprimée, à la demande de l’ancien exploitant, du maire, du propriétaire du terrain ou à l’initiative du préfet.

A noter que lorsqu’ils ne sont pas à l’origine de la demande, le propriétaire du terrain et l’exploitant sont informés par le préfet du projet de suppression de la servitude.

Réhabilitation ICPE régulièrement faite, et après ?
Le cas d’un changement d’usage envisagé par le maître d’ouvrage qui a ensuite acquis le terrain.

L’article L. 556-1 du Code de l’environnement est modifié, dans une optique de traçabilité des terrains « à risque« .

Précisément, il concerne les terrains ayant accueilli une installation classée mise à l’arrêt définitif et régulièrement réhabilitée pour permettre l’usage défini dans les conditions prévues par les articles dédiés au Code de l’environnement.

A partir de là, lorsqu’un usage différent est ultérieurement envisagé, le maître d’ouvrage à l’initiative du changement d’usage doit définir des mesures de gestion de la pollution des sols et les mettre en œuvre afin d’assurer la compatibilité entre l’état des sols et la protection de la sécurité, de la santé ou de la salubrité publiques, l’agriculture et l’environnement au regard du nouvel usage projeté.

Ces mesures de gestion de la pollution sont définies en tenant compte de l’efficacité des techniques de réhabilitation dans des conditions économiquement acceptables ainsi que du bilan des coûts, des inconvénients et avantages des mesures envisagées.

Le maître d’ouvrage à l’initiative du changement d’usage fait attester de cette mise en œuvre par un bureau d’études certifié dans le domaine des sites et sols pollués, conformément à une norme définie par arrêté ministériel.

Le cas échéant, s’il demeure une pollution résiduelle sur le terrain concerné compatible avec les nouveaux usages, le maître d’ouvrage à l’initiative du changement d’usage en informe le propriétaire et le préfet, lequel pourra créer sur le terrain concerné un secteur d’information sur les sols.

En cas de modification de la consistance du projet initial, le maître d’ouvrage à l’initiative de cette modification devra compléter ou adapter, si nécessaire, ses mesures de gestion.

Pollution des sols ou risques de pollution des sols : une hiérarchie de responsables

L’ancien article L. 556-1 du Code de l’environnement est réécrit et transformé en un article L. 556-3.

Il dispose qu’en cas de pollution des sols ou de risques de pollution des sols présentant des risques pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques et l’environnement au regard de l’usage pris en compte, l’autorité titulaire du pouvoir de police peut, après mise en demeure, assurer d’office l’exécution des travaux nécessaires aux frais du responsable.

L’exécution des travaux ordonnés d’office peut être confiée à un établissement public foncier (EPF) ou, en l’absence d’un tel établissement, à l’ADEME.

L’autorité titulaire du pouvoir de police peut également obliger le responsable à consigner entre les mains du comptable public une somme répondant du montant des travaux à réaliser, laquelle sera restituée au fur et à mesure de l’exécution des travaux.

Les sommes consignées peuvent, le cas échéant, être utilisées pour régler les dépenses entraînées par l’exécution d’office.

Lorsqu’un EPF ou l’ADEME intervient pour exécuter des travaux ordonnés d’office, les sommes consignées lui sont réservées à sa demande.

Lorsque, en raison de la disparition ou de l’insolvabilité de l’exploitant du site pollué ou du responsable de la pollution, la mise en œuvre de ces dispositions n’a pas permis d’obtenir la réhabilitation du site pollué, l’Etat peut, avec le concours financier éventuel des collectivités territoriales, confier cette réhabilitation à l’ADEME.

A noter, côté contentieux, que l’opposition à l’état exécutoire pris en application d’une mesure de consignation ordonnée par l’autorité administrative devant le juge administratif n’a pas de caractère suspensif.

Dernier point, et non des moindres : une « hiérarchie » de responsables est codifiée.

Selon celle-ci, on entend par responsable, par ordre de priorité :

– 1. Pour les sols dont la pollution a pour origine une ICPE, une activité mentionnée à l’article L. 165-2 ou une installation nucléaire de base, le dernier exploitant de l’installation à l’origine de la pollution des sols ou la personne désignée aux articles L. 512-21 (tiers intéressé) et L. 556-1 (maître d’ouvrage, v. ci-dessus), chacun pour ses obligations respectives.

– 2. A titre subsidiaire, en l’absence de responsable au titre du 1., le propriétaire de l’assise foncière des sols pollués par une activité ou des déchets tels que mentionnés au 1., s’il est démontré qu’il a fait preuve de négligence ou qu’il n’est pas étranger à cette pollution.

Source : Code perm. Env. et nuisances, bull. 433/434, page 4