Étude des Éditions Francis Lefebvre

Selon l’administration, la TVA ne peut être calculée sur la marge que si l’immeuble revendu est identique au bien acquis tant sur le plan de ses caractéristiques physiques que de sa qualification juridique.

Quel régime de TVA – TVA sur la marge ou TVA sur le prix total – doit appliquer un professionnel de l’immobilier (marchand de biens ou lotisseur) qui, après avoir acheté auprès d’un particulier une vaste propriété, la divise puis revend séparément la construction et un ou plusieurs terrains à bâtir ?

La question, à l’origine de nombreux contentieux, fait débat.

Par quatre réponses ministérielles publiées le 30 août et le 20 septembre 2016, l’administration réaffirme sa position : l’application du régime de la TVA sur la marge suppose une identité entre ce qui a été acquis et ce qui est revendu, ce qui implique dans cette hypothèse une division parcellaire préalable à l’acquisition par le professionnel.

Ce que dit la loi

Lorsqu’elles sont réalisées par un assujetti agissant en tant que tel, les ventes de terrains à bâtir sont imposables de plein droit à la TVA et les livraisons d’immeubles bâtis achevés depuis plus de cinq ans sont imposables sur option.

Dans les deux cas, la TVA est en principe liquidée sur le prix total de cession (CGI art. 266). Elle peut toutefois, par dérogation, être calculée sur la marge du vendeur s’il est établi que l’acquisition du bien par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction (CGI art. 268).

Ce qui est exigé par la doctrine administrative

Dans ses commentaires de l’article 268 du CGI, l’administration réserve l’application du régime de la TVA sur la marge aux seules livraisons d’immeubles acquis et revendus en gardant la même qualification (BOI-TVA-IMM-10-20-10 n° 20 : IMMO-I-5885).

Elle précise que ne sont donc, le cas échéant, taxables à la TVA sur marge que les reventes :

– de terrains à bâtir qui ont été acquis précédemment comme terrains n’ayant pas le caractère d’immeubles bâtis ;

– ou d’immeubles achevés depuis plus de cinq ans qui ont été acquis précédemment en l’état d’immeuble déjà bâti.

Il résulte de cette condition d’identité de qualification que sont exclues de la taxation sur la marge les opérations de construction-vente – cet exemple est d’ailleurs expressément cité par la doctrine administrative – ainsi que les ventes de terrains à bâtir après démolition des constructions qui y sont édifiées (sauf si elles sont impropres à un quelconque usage).

L’administration a également fait application de cette doctrine dans différents contentieux concernant des opérations de ventes de terrains à bâtir issus d’une division de propriété.

Elle a considéré que, faute d’identité entre le bien acquis (une propriété avec terrain) et le bien revendu (la construction et différents lots de terrains à bâtir), la TVA devait être calculée sur le prix de vente total et non sur la marge. Selon elle, la condition d’identité de qualification implique que chaque élément revendu ait été clairement désigné et identifié dans l’acte d’acquisition.

Elle énonce, en effet, dans ses commentaires sur le champ d’application de la TVA, qu’en cas de cession conjointe d’un terrain à bâtir et d’un immeuble bâti, l’acte doit refléter clairement la qualification respective de chaque élément afin de lui appliquer le régime fiscal adéquat, ce qui implique, en règle générale, une division parcellaire préalable à la mutation, permettant de distinguer le terrain de la construction (BOI-TVA-IMM-10-10-10-40 n° 10 : IMMO-I-4250).

Cette position restrictive vient d’être réaffirmée par l’administration dans deux réponses ministérielles publiées le 30 août puis dans deux autres publiées le 20 septembre 2016. Elle y indique que la mise en œuvre du régime dérogatoire de la TVA sur la marge suppose nécessairement que le bien revendu soit identique au bien acquis quant à ses caractéristiques physiques et sa qualification juridique.

Ainsi, en cas de division parcellaire intervenue entre l’acquisition initiale et la cession ayant entraîné un changement de qualification ou un changement physique telle une modification des superficies vendues par rapport à l’acte d’acquisition, la taxation doit se faire sur le prix de vente total.

En revanche, lorsque cette division est antérieure à l’acte d’acquisition initial, qu’un document d’arpentage a été établi pour les besoins de la cession permettant d’identifier les différentes parcelles dans l’acte ou qu’un permis d’aménager faisant apparaître de manière précise les divisions envisagées a été obtenu préalablement à la cession, la taxation sur la marge peut être appliquée.

L’administration justifie sa position par le fait qu’appliquer le régime de la marge dans d’autres cas aboutirait à l’impossibilité de calculer l’assiette taxable puisque prix de vente et prix d’achat porteraient sur des biens dissemblables.

Par suite, le professionnel qui se contente de vendre des parcelles de terrains à bâtir qu’il a simplement détachées d’une propriété plus vaste acquise auprès d’un particulier (ou plus généralement d’un non-assujetti) ne peut pas, selon l’administration, bénéficier de la taxation sur la marge.

Plus généralement, ce sont toutes les opérations de revente par lots après découpe – qu’il s’agisse de terrains ou d’immeubles bâtis – qui semblent exclues de la taxation sur la marge puisqu’un simple changement des superficies entre l’achat et la revente suffit à disqualifier l’opération.

Avec cette position, qui réduit considérablement le champ d’application de la TVA sur la marge, l’administration s’éloigne donc des critères objectifs en principe retenus pour déterminer le régime de TVA applicable à une livraison d’immeuble qui reposent sur la nature du bien (terrain ou construction).

Dans de nombreux cas, les professionnels de l’immobilier se trouvent donc en pratique privés d’un régime qui leur était traditionnellement (dans le régime antérieur applicable jusqu’au 10 mars 2010) destiné.

Source : FRFL, 45/16, page 2