Etude de Me Patrice CORNILLE

Nouvelles autorisations préalables aux travaux pour créer des logements dans un bâtiment existant.

En marge du droit de la copropriété, l’article 91 de la loi ALUR du 24 mars 2014 contient une disposition entièrement nouvelle que doivent connaître les marchands de biens, les rénovateurs d’immeubles anciens mais aussi les propriétaires de bâtiments existant qui font des travaux chez eux, même pour simplement louer des appartements.

La loi ALUR commence par apporter une précision rédactionnelle à l’article L. 111-6-1 du Code de la construction et de l’habitation (CCH).

Ce texte vise les cas dans lesquels il est interdit de mettre un immeuble existant sous le régime de la copropriété.

Notamment, et en vertu de l’alinéa 3 du texte considéré, il est interdit de diviser un immeuble en propriété ou en jouissance, au résultat de mutations à titre gratuit ou onéreux, de partage ou de location, en vue de mettre à disposition des locaux à usage d’habitation d’une superficie et d’un volume habitable inférieurs à 14 m² et 33 m3.

Sur ce point précis, la réforme ajoute que « les installations ou pièces communes mises à disposition des locaux à usage d’habitation nés de la division ne sont pas comprises dans le calcul de la superficie et du volume desdits locaux« .

Il est impossible de mettre en copropriété un immeuble en vue de créer des logements dont la superficie est inférieure à 14 m² ou le volume inférieur à 33 m3.

Peu importe que ledit logement bénéficie d’installations ou de pièces communes avec d’autres dont la prise en considération permettrait de s’émanciper de l’effet de seuil des mesures de superficie et volume indiquées ; c’est bien le logement en lui-même, c’est-à-dire la partie privative du lot, s’il s’agit d’un lot de copropriété, qui doit respecter ces minima de surface et de volume.

Il n’est plus seulement interdit de créer de toutes petites cellules d’habitation, par voie de mise en copropriété d’un immeuble existant.
Le nouveau texte va plus loin : l’article L. 111-6-1-1 nouveau du CCH oblige toute personne ayant pour projet de créer plusieurs locaux à usage d’habitation dans un immeuble existant localisé dans une commune dans laquelle il existe une proportion importante d’habitat dégradé ou dans laquelle l’habitat dégradé est susceptible de se développer, à obtenir une autorisation préalable aux travaux.

Cette autorisation préalable peut être instituée, par voie de délibération, par l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent (EPCI) en matière d’habitat ou, à défaut, par le conseil municipal.

Pour justifier de l’instauration de cette nouvelle autorisation préalable aux travaux, l’organe délibérant doit tenir compte du Plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées et, mais à condition qu’il soit exécutoire, du Programme local de l’habitat (PLH).

Dans l’hypothèse où aucun PLH n’est exécutoire, la délimitation des zones concernées est prise par le conseil municipal après avis du Préfet dans le département.

Il est clairement exigé que le président de la communauté d’agglomération ou de la communauté urbaine compétente, lorsque l’autorisation préalable de travaux a été créée, refuse l’autorisation de créer de nouveaux logements, chaque fois que la division est contraire à l’article L. 111-6-1, c’est-à-dire notamment dans les hypothèses où les logements créés ne respectent pas la surface de 14 m² et le volume de 33 m3.

De manière plus surprenante, le nouvel article L. 111-6-1-1 dispose aussi que le président de l’EPCI compétent peut refuser l’autorisation, ou la soumettre à conditions, lorsque les locaux à usage d’habitation créés, bien que respectant les surface et volume exigés, sont susceptibles de porter atteinte à la sécurité des occupants et à la salubrité publique.

À ce stade, il faut nécessairement supposer, soit que l’autorité s’appuie sur sa connaissance préalable du tissu local soit que la demande d’autorisation reposera sur des réponses à un questionnaire, joint au dossier de demande d’autorisation, qui lui permettront de débusquer les risques d’atteinte à la sécurité et la salubrité.

Il faut bien mesurer que l’autorisation préalable des travaux concernés n’est pas une nouvelle autorisation d’urbanisme.

Le texte dispose en effet que, lorsque l’opération consistant à vouloir créer des nouveaux locaux d’habitation requiert, par les travaux qu’elle implique, une autorisation d’urbanisme, celle-ci tient lieu d’autorisation de division, après accord, le cas échéant, du président de l’EPCI compétent.

Cela signifie que la demande de permis de construire, ou la déclaration préalable de travaux peut tenir lieu d’autorisation de division pour créer de nouveaux logements, mais à condition bien entendu, que le dossier de demande de permis de construire ou de déclaration fasse état de la création de plusieurs locaux à usage d’habitation dans l’immeuble existant.

Mais le texte implique aussi qu’on peut être dans l’obligation de déposer une demande d’autorisation même dans des situations où aucun permis de construire ou déclaration préalable de travaux au sens du Code de l’urbanisme n’est exigé.

L’article L. 111-6-1-2 instaure la même obligation d’obtenir une autorisation préalable aux travaux dans les zones délimitées en application de l’article L. 123-1-5 II 3° du Code de l’urbanisme.

En d’autres termes, l’organe délibérant de l’EPCI compétent peut instaurer l’obligation d’obtenir la nouvelle autorisation de travaux dans les secteurs délimités des zones urbaines ou à urbaniser « dans lesquels les programmes de logement comportent une proportion de logements d’une taille minimale qu’ils fixent« .

L’article L. 111-6-1-3 clôt le dispositif en prévoyant les conditions procédurales d’obtention de l’autorisation préalable aux travaux pour créer des logements.

La demande est adressée au président de l’EPCI compétent, ou le cas échéant au maire de la commune, dans des formes fixées par un arrêté qui reste à édicter.

Le président de l’EPCI compétent notifie sa décision dans les quinze jours de la réception du dossier (ce qui confirme que l’instruction de l’autorisation n’est pas « calée » sur les délais de l’instruction d’une autorisation d’urbanisme).

Il est prévu un régime d’autorisation tacite puisque le défaut de réponse dans le délai de quinze jours vaut délivrance de l’autorisation.

Le défaut d’obtention de l’autorisation préalable aux travaux lorsqu’il est prévu la création de logements dans un bâtiment existant dans les zones « tendues » est sanctionné pénalement par une amende au plus égale à 15.000 euros, mais portée à 25.000 euros, en cas de récidive dans un délai de trois ans.

La sanction ne peut être requise par le Préfet dans le département qu’après avoir informé l’auteur de l’infraction de présenter ses observations dans un délai déterminé
(il le sera dans un décret à venir mais on peut aisément supposer qu’il ne dépassera pas huit jours suivant la réception de la demande).

Le produit de l’amende susvisée est prévu pour être intégralement versé à l’Agence nationale de l’habitat.

Le Tribunal, selon le nouveau texte de l’article L. 111-6-1-3, doit proportionner l’amende à la gravité des manquements constatés, et la sanction ne peut être prononcée plus d’un an à compter de la constatation des manquements.

Il faut remarquer enfin, et c’est bien naturel, que le défaut d’autorisation de division demeure sans effet sur la validité du bail dont bénéficie le locataire qui occupe de bonne foi un local à usage d’habitation né d’une division.

Il s’agit bien évidemment d’éviter que l’opérateur se prévale de sa propre inobservation de la nouvelle règlementation « anti-marchand de sommeil » pour tenter d’obtenir l’expulsion de son locataire.

La nouvelle autorisation examinée ci-dessus paraît subordonnée, dans son application, à la parution de l’arrêté du ministre chargé du Logement qui fixera les formes de la déclaration.

On ne peut manquer de clôturer ce rapide tour d’horizon des mesures nouvelles encadrant la création de logements dans les bâtiments existant sans signaler l’existence de l’article 175 de la loi selon lequel :

« Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité et les modalités de mise en œuvre d’un permis de diviser.
Ce permis de diviser serait délivré lors de toute division par lots et mise en copropriété d’un immeuble comprenant au moins cinq locaux à usage d’habitation.

Le rapport étudie la possibilité de subordonner la délivrance de ce permis à des engagements garantissant la pérennité des situations d’occupation locative existantes« .

Ce nouveau « permis de diviser« , qui serait exigible préalablement à la mise en copropriété d’un immeuble existant comprenant au moins cinq locaux à usage d’habitation, est de nature à modifier la pratique des marchands de biens et rénovateurs immobiliers.

On saura rapidement si ce permis viendra s’ajouter à la liste des autorisations nécessaires pour commercialiser ou louer des logements dans l’ancien, puisque c’est avant le 26 mars 2015 que le rapport décidant de sa création doit être déposé.

Source : Constr.-urb., 5/14, dossier 10