Etude de Me Christian ATIAS

Retour sur le droit transitoire de l’ordonnance de 2004

L’article 59 de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (dite loir ALUR) complète l’article 60-I de l’ordonnance du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales libres de propriétaires.

Un nouvel alinéa dispose :

« Par dérogation au deuxième alinéa [de l’article 60 de l’ordonnance de 2004], les associations syndicales libres régies par le titre II (de cette ordonnance), qui ont mis leurs statuts en conformité avec les dispositions de celle-ci postérieurement au 5 mai 2008, recouvrent les droits mentionnés à l’article 5 de la présente ordonnance dès la publication de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, sans toutefois que puissent être remises en cause les décisions passées en force de chose jugée ».

Cette disposition a pour objet d’entériner et d’interpréter la position de la Cour de cassation (Civ. 3e, 5 juill. 2011).

Trois règles complémentaires en résultent.

Pérennité des associations en situation irrégulière

Lorsque les statuts d’une association syndicale libre de propriétaires n’ont pas été mis en harmonie avec le droit en vigueur, elle conserve son existence (Civ. 3e, 11 sept. 2013), sa personnalité, et sa capacité générale ; c’est notamment ce qui lui permet de régulariser sa situation.

La Cour de cassation n’avait nullement dit l’inverse.

L’association peut notamment poursuivre la gestion des éléments communs, conformément à son objet statutaire.

Son fonctionnement interne n’est pas affecté par l’irrégularité de ses statuts.

Elle peut même conclure divers contrats.

Par exemple, le mandat confié à son président, ou à un professionnel chargé de l’assister, demeure valable ; il en est de même pour un contrat de travail ou pour un contrat de location.

L’irrégularité serait, d’ailleurs, inopposable aux tiers.

En revanche, selon la Cour de cassation, la régularisation des statuts est sans effet sur une action en justice préalablement intentée : « la demande émise par une personne dépourvue du droit d’agir en justice [est] irrecevable » (Civ. 3e, 5 juill. 2011, préc. ; Comp. : Civ. 2e, 11 sept. 2003 ; Com., 20 juin 2006, ; Soc., 23 juin 2010).

La qualification de « fin de non-recevoir » s’impose, compte tenu des textes visés par la Cour de cassation.

Il ne peut s’agir d’un défaut de capacité d’ester en justice, c’est-à-dire d’une irrégularité de fond, relevant de la compétence du juge ou du conseiller de la mise en état (C. pr. civ., art. 32, 117 s., 122 s., 771-1° et 910) ; seule la juridiction peut statuer (en ce sens, Ord. mise en état, Aix-en-Provence, 26 févr. 2013).

Restriction de l’autonomie de l’association

Les associations syndicales libres de propriétaires dépourvues de statuts conformes aux dispositions légales et réglementaires en vigueur ne peuvent ni ester en justice, ni acquérir, ni vendre, ni échanger, ni transiger, ni emprunter, ni constituer une hypothèque (Art. 5, Ord. du 1er juill. 2004).

La liste de l’article 5 de l’ordonnance de 2004 doit être tenue pour limitative ; la disposition de l’article 60-I a pris un caractère sanctionnateur et ce qui n’est pas interdit est permis ou plutôt, « poser l’un, c’est exclure l’autre« .

Il est douteux que cette énumération puisse engober tous les modes d’acquisition ; l’association en situation irrégulière doit, par exemple, pouvoir profiter de la prescription acquisitive.

Portée des règles dans le temps

Les solutions consacrées valent quel que soit le moment où l’association syndicale libre a été créée.

En profitent celles qui avaient été fondées sous l’empire de la loi du 21 juin 1865 et celles qui l’ont été après ; l’article 60-I de l’ordonnance ne distingue pas.

L’irrégularité d’origine paraît devoir être traitée comme celle qui résulte de l’abrogation de la loi de 1865 et de la promulgation de l’ordonnance de 2004.

Possibilité de régularisation

Les associations syndicales libres de propriétaires peuvent mettre leurs statuts en conformité avec les dispositions de l’ordonnance, même une fois expiré le délai imparti, c’est-à-dire après le 5 mai 2008.

Elles recouvrent alors les droits d’agir en justice, d’acquérir, de vendre, d’échanger, de transiger, d’emprunter et d’hypothéquer.

Les modifications à apporter aux statuts des associations créées avant 2004 sont généralement limitées.

L’ordonnance du 1er juillet 2004 et le décret du 3 mai 2006 ne comportent que peu d’exigences de fond.

Il faut seulement veiller à respecter l’article 9 de l’ordonnance (« L’association syndicale libre est administrée par un syndicat composé de membres élus parmi les propriétaires membres de l’association ou leurs représentants dans les conditions fixées par les statuts. Le syndicat règle, par ses délibérations, les affaires de l’association« ) et l’article 3 du décret (« Les statuts de l’association syndicale libre fixent les modalités de sa représentation à l’égard des tiers, de distraction d’un de ses immeubles, de modification de son statut ainsi que de sa dissolution« ).

En pratique, l’obstacle principal résulte de l’exigence du même article 3 du décret de 2006 : doit être « annexée aux statuts… une déclaration de chaque adhérent spécifiant les désignations cadastrales ainsi que la contenance des immeubles pour lesquels il s’engage« .

Exception est seulement faite pour les associations syndicales libres de l’article R. 315-6 (ancien) du Code de l’urbanisme.

Il peut être difficile de réunir les déclarations de tous les membres de l’association (sauf lorsqu’il s’agit, par exemple, de syndicats de copropriétaires).

Régularisation antérieure à la réforme

Si la mise à jour des statuts est intervenue avant la réforme de 2014, c’est lors de la publication de la loi du 24 mars 2014 (JO 26 mars) que l’association a retrouvé la possibilité d’accomplir les actes énumérés à l’article 5 de l’ordonnance.

Source : AJDI, 7/8-14, page 513