ETUDE de M. Sylvain PERIGNON

Le champ d’application du droit de préemption urbain a été matériellement étendu par la loi relative à la Solidarité et au Renouvellement Urbains (dire loi SRU) et son champ géographique l’a été avec les lois adoptées au cours de l’été 2003.

Elles permettent l’institution de ce droit par les communes dotées d’une carte communale ainsi que dans certaines zones délimitées par un Plan de Prévention des Risques Technologiques et dans les zones de rétention temporaire des eaux de crue ou de ruissellement ou de mobilité du lit mineur d’un cours d’eau où ont été instituées les servitudes prévues par l’article L. 211-12 du Code de l’environnement.

La loi SRU avait considérablement élargi le champ d’application matériel du droit de préemption urbain en supprimant le caractère « volontaire » de l’aliénation comme critère de l’ouverture du droit de préemption, et en permettant la préemption partielle de l’unité foncière concernée pour partie par le champ d’application territorial du droit de préemption urbain.

Les lois de l’été 2003 (loi du 2 juillet 2003, Urbanisme et habitat ; loi relative à la prévention des risques technologiques et naturels et réparation des dommages, du 31 juillet 2003) ont élargi le champ d’application géographique potentiel du droit de préemption urbain.

Elles ont permis l’institution de ce droit par les communes dotées d’une carte communale, ainsi que dans certaines zones délimitées par un Plan de Prévention des Risques Technologiques et dans les zones de rétention temporaire des eaux de crue ou de ruissellement ou de mobilité du lit mineur d’un cours d’eau où ont été instituées les servitudes prévues par l’article L. 211-12 du Code de l’environnement.

Communes dotées d’une carte communale

L’existence d’un plan d’occupation des sols ou d’un plan local d’urbanisme opposable conditionnait jusqu’alors la possibilité pour les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale compétents d’instituer le droit de préemption urbain. Mais la simple approbation d’une carte communale ne permettait pas d’instituer un tel droit de préemption.

L’article 41 de la loi du 2 juillet 2003 a inséré, après le premier alinéa de l’article L. 211-1 du Code de l’urbanisme, un alinéa ainsi rédigé : « les conseils municipaux des communes dotées d’une carte communale approuvée peuvent, en vue de la réalisation d’un équipement ou d’une opération d’aménagement, instituer un droit de préemption dans un ou plusieurs périmètres délimités par la carte. La délibération précise, pour chaque périmètre, l’équipement ou l’opération projetée« .

Ce deuxième alinéa de l’article L. 211-1 vise l’institution d’un « droit de préemption« , alors que le premier alinéa relatif aux communes dotées d’un POS ou d’un PLU vise expressément l’institution d’un « droit de préemption urbain« . On notera que l’article L. 211-1 relève du chapitre I du titre I du livre II du Code de l’urbanisme, intitulé « Droit de préemption urbain« , ce qui semble interdire d’y voir un droit de préemption autre que le droit de préemption urbain proprement dit.

Il convient que la carte communale préexiste à l’institution du droit de préemption. Le conseil municipal ne peut, par une même délibération, instituer le droit de préemption et approuver pour la première fois une carte communale, puisque cette dernière ne sera exécutoire qu’après le recueil de l’approbation préfectorale. En effet, aux termes du troisième alinéa de l’article L. 124-2, les cartes communales sont approuvées par délibération du conseil municipal puis transmises pour approbation au préfet qui dispose d’un délai de deux mois pour les approuver. A l’expiration de ce délai, le préfet est réputé les avoir approuvées.

Deux cas de figure peuvent donc se présenter.

La délimitation du ou des périmètres de préemption par la carte communale n’est pas directement liée au zonage de la carte communale

La commune élabore la carte communale et délimite le ou les périmètres d’institution du droit de préemption.

Après double approbation de la carte communale, par le conseil municipal et par le préfet, une nouvelle délibération du conseil municipal instituera le droit de préemption dans les périmètres délimités par la carte approuvée.

En revanche, s’il existe déjà une carte communale approuvée, le conseil municipal disposera de la compétence pour instituer le droit de préemption.

Dès lors, une même délibération du conseil municipal pourra à la fois approuver la révision de la carte communale, délimitant notamment le ou les périmètres de préemption, et instituer le droit de préemption dans ces périmètres.

L’institution du droit de préemption est finalisée puisque le droit de préemption est créé « en vue de la réalisation d’un équipement ou d’une opération d’aménagement« , lesquels sont précisés par la délibération institutive.

Le 2e alinéa de l’article L. 211-1 paraît donc apporter une restriction, s’agissant des communes dotées d’une carte communale, à l’objet des droits de préemption tel qu’il est défini par l’article L. 210-1. La notion d’équipement n’est pas précisée, mais on peut penser qu’elle renvoie à la notion d’équipement collectif de l’article L. 300-1 et de l’article L. 124-2, 2e alinéa. La référence à la notion d’opération d’aménagement paraît exclure a contrario la notion d’action d’aménagement, notion mal définie mais qui paraît renvoyer à de petites interventions ponctuelles. C’est justement ce type d’intervention qui intéresserait les petites communes dotées d’une carte communale, qui pourraient être tentées de préempter un bâtiment pour y réaliser ou faire réaliser un réaménagement à usage social. Les restrictions apportées au droit de préemption des communes dotées d’une carte communale ne paraissent pas justifiées au regard des véritables besoins de ces communes.

La délibération institutive du droit de préemption devant préciser pour chaque périmètre l’équipement ou l’opération projeté, le juge sera amené à contrôler l’existence et la réalité du projet d’équipement ou d’opération. Il doit donc veiller à ce que le périmètre soit proportionné par rapport à l’emprise probable du futur équipement ou de la future opération d’aménagement. Un périmètre trop large, et a fortiori coïncidant avec la totalité du territoire communal, paraîtrait entaché d’erreur d’appréciation. Un périmètre trop petit serait également contestable, notamment s’il touche un seul propriétaire ou une seule unité foncière. Par ailleurs, si ce périmètre est taillé assez justement, il risque de n’affecter que partie des unités foncières concernées, ce qui multipliera les cas de réquisition d’emprise totale avec ses conséquences financières pour une petite commune.

S’agissant de la procédure de préemption, elle ne présente aucune spécificité et est totalement identique à la procédure de droit commun en matière d’exercice du droit de préemption urbain.

Mais on doit noter une lacune des textes, s’agissant de la date de référence adoptée, pour l’application de l’article L. 13-15 du Code de l’expropriation, en cas de fixation judiciaire du prix de la préemption.

En effet, à défaut d’accord amiable, le prix est fixé, payé ou le cas échéant consigné selon les règles applicables en matière d’expropriation.

Une lacune des textes concerne la date de référence adoptée en cas de fixation judiciaire du prix de la préemption.

Toutefois, l’article L. 213-4 précise que, dans ce cas, la date de référence prévue à l’article L. 13-15 du Code de l’expropriation, date de référence par rapport à laquelle est apprécié soit l’usage effectif du bien, soit sa qualification éventuelle de terrain à bâtir, est la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le POS ou approuvant, modifiant ou révisant le PLU et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien.

En l’absence de POS ou de PLU, la date de référence est un an avant la création d’un périmètre provisoire de ZAD ou d’une ZAD. S’agissant du droit de préemption créé sur les communes dotées d’une carte communale, la situation ne rentre dans aucun de ces cas de figure.

Zones délimitées par un Plan de Prévention des Risques Technologiques

La loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages institue des Plans de Prévention des Risques Technologiques (PPRT), inspirés dans leur principe des plans de prévention des risques naturels. Servitude d’utilité publique approuvée par le préfet après enquête publique, le PPRT délimite des zones dans lesquelles la réalisation d’aménagements ou d’ouvrages ainsi que les constructions nouvelles et l’extension des constructions existantes sont interdites ou subordonnées au respect de certaines prescriptions.

Dans ces zones, les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale compétents peuvent instaurer le droit de préemption urbain « dans les conditions définies à l’article L. 211-1 du Code de l’urbanisme » (Code de l’environnement, art. L. 515-16). L’article 79 de la loi modifie le premier alinéa de l’article L. 211-1 du Code de l’urbanisme.

Désormais, les communes dotées d’un POS ou d’un PLU opposable peuvent par délibération « instituer un droit de préemption urbain sur tout ou partie des zones urbaines et des zones d’urbanisation future délimitées par ce plan, dans les périmètres définis par un plan de prévention des risques technologiques en application du I de l’article L. 515-16 du Code de l’environnement, dans les zones soumises aux servitudes prévues au II de l’article L. 211-12 du même code« . Il se déduit de la combinaison des articles L. 515-16 du Code de l’environnement et de l’article L. 211-1 du Code de l’urbanisme ainsi amendé que le droit de préemption urbain ne peut être institué dans les zones définies par un PPRT que si la commune est dotée d’un POS ou d’un PLU opposable.

Le dispositif élargit donc le champ territorial du DPU aux zones naturelles des POS ou des PLU lorsqu’elles sont comprises dans une zone délimitée au titre du I de l’article L. 515-16 du Code de l’environnement. Mais si la commune n’est pas dotée d’un POS ou d’un PLU opposable, elle ne pourra pas instituer le droit de préemption urbain alors même qu’elle serait concernée par un plan de prévention des risques technologiques.

Zones de servitude instituées sur les terrains riverains d’un cours d’eau

L’article 48 de la loi du 31 juillet 2003 permet au préfet de délimiter après enquête publique des zones soumises à servitude, sur les terrains riverains d’un cours d’eau ou de la dérivation d’un cours d’eau, ou situées dans leur bassin versant ou dans une zone estuarienne.

Ces servitudes d’utilité publique ont pour objet de créer des zones de rétention temporaire des eaux de crue ou de ruissellement, où des aménagements permettront d’accroître artificiellement la capacité de stockage des eaux afin de réduire les crues ou les ruissellements dans les secteurs situés en aval.

Ces servitudes peuvent également avoir pour objet de créer ou de restaurer des zones de mobilité du lit mineur d’un cours d’eau en amont des zones urbanisées, afin de préserver ou de restaurer les capacités hydrologiques et géomorphologiques essentielles du cours d’eau concerné.

Dans ces zones, les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale compétents peuvent instaurer le droit de préemption urbain dans les conditions définies à l’article L. 211-1 du Code de l’urbanisme.

Ils peuvent déléguer ce droit à la collectivité qui a demandé l’institution de la servitude. Là encore, l’article 79 de la loi modifie l’article L. 211-1 du Code de l’urbanisme, mais de telle manière que cette possibilité d’institution d’un droit de préemption dans les zones de servitude précitées n’est ouverte qu’aux communes dotées d’un POS ou d’un PLU opposable. Ne peuvent donc être concernées par le droit de préemption urbain les zones de servitude de l’article L. 211-12 du Code de l’environnement, situées sur le territoire de communes non dotées d’un POS ou d’un PLU opposable.

Source : AJDA, 11/04 page 569