Etude de M. Maurice COZIAN

En matière de TVA immobilière, la loi précise que la taxe est assise soit sur le prix convenu entre les parties soit sur « la valeur vénale réelle des biens… si cette valeur vénale est supérieure au prix » (CGI, art. 266-2-b).

Par une décision du 3 juillet 2001, le Tribunal administratif de Lyon a jugé que l’application de cette disposition n’avait rien de mécanique.

En l’espèce, une société acquiert diverses parcelles en vue de les aménager puis de les revendre dans le cadre d’un lotissement industriel.

L’Administration estime que le prix de revente des lots est insuffisant et lui substitue, pour le calcul de la TVA, ce qu’elle juge être la valeur vénale réelle.

La société venderesse plaide que cette substitution d’assiette est sans fondement dans son cas particulier.

Le Tribunal administratif de Lyon lui donne raison.

On sait que la France reste en matière immobilière attachée au choix entre prix convenu et valeur vénale qui est traditionnel en matière d’enregistrement (LPF, art. L. 17).

Il n’empêche que cette solution est contraire à la règle retenue par la sixième directive du 17 mai 1977.

C’est pourquoi la France a demandé et obtenu le maintien du choix antérieur pour le calcul de la TVA immobilière.

De telles dérogations sont prévues à l’article 27 de la sixième directive dans les termes suivants :

« Le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission, peut autoriser tout Etat membre à introduire des mesures particulières dérogatoires à la présente directive, afin de simplifier la perception de la taxe ou d’éviter certaines fraudes ou évasions fiscales ».

Ce qu recherchait la France, ce n’est pas la simplification de la perception de la TVA mais la prévention de la fraude ou de l’évasion fiscales.

La dérogation accordée peut faire l’objet de deux lectures différentes :

– on peut d’abord estimer qu’elle s’applique de façon automatique, le risque de fraude ou d’évasion étant en quelque sorte présumé ; c’est l’interprétation qu’à retenue le Tribunal administratif de Paris dans un jugement du 30 octobre 1997 ;

– en sens inverse, et en application du principe communautaire de proportionnalité, on peut faire valoir que l’administration fiscale ne peut utiliser cette mesure de sauvegarde que si elle apporte la preuve d’une fraude ou d’une évasion ; c’est la lecture faite par le Tribunal administratif de Lyon.

L’Administration pourrait par exemple démontrer qu’en cas de vente à un associé le prix convenu se situe délibérément en dessous de la valeur vénale réelle et constitue un acte anormal de gestion justifiant à la fois un redressement d’impôt sur les sociétés et de TVA immobilière.

Mais tel n’était pas le cas dans l’affaire soumise au Tribunal administratif de Lyon compte tenu des précisions suivantes :

– les acheteurs des lots étaient totalement indépendants de la société venderesse ;

– les prix résultaient d’une confrontation libre entre l’offre et la demande ;

– la TVA dûe par le vendeur était entièrement récupérable par l’acheteur, ce qui enlevait tout intérêt à une quelconque manipulation des prix de vente.

Le Tribunal administratif de Grenoble a pris une position comparable à celle du Tribunal de Lyon dans un jugement du 20 décembre 2001.

Si cette jurisprudence se confirme, ce sera une manifestation supplémentaire de l’emprise croissante du droit communautaire sur l’application du droit fiscal national.

Les contribuables n’hésitent plus à remettre en cause des solutions qui autrefois paraissaient à l’abri de toute contestation.

Le fatalisme d’hier n’est plus de mise et l’activisme d’aujourd’hui est souvent payant.

Source : JCPN 2002 n° 43, page 1513