ETUDE de M.M. Philippe BOULISSET et Norbert BÉAL

La constructibilité d’un terrain peut être remise en cause dans différentes hypothèses. La constructibilité d’un terrain peut être remise en cause dans différentes hypothèses. 

L’autorité publique responsable de l’urbanisme peut-elle, à sa guise, rendre inconstructible un terrain qui est constructible ? Les propriétaires ont-ils des recours ?

• Déclassement à l’occasion de la révision d’un PLU

La perte de constructibilité d’un terrain peut résulter du déclassement, à l’occasion de la révision d’un PLU, d’un terrain constructible en terrain inconstructible située dans une zone naturelle, étant rappelé que le principe de mutabilité gouverne le zonage, un propriétaire n’ayant aucun droit au maintien d’un classement antérieur, le juge n’exerce par conséquent qu’un contrôle minimum sur le classement des zones du PLU.

• Emplacement réservé

L’article L. 123-1-8° du Code de l’urbanisme dispose que le PLU peut « fixer les emplacements réservés aux voies et ouvrages publics, aux installations d’intérêt général ainsi qu’aux espaces verts« . Deux sortes d’emplacements réservés existent dans ce cadre :

▪ ceux qui constituent des charges ou servitudes administratives ne comportant aucun bénéficiaire (espaces boisé classés, landes…) ;

▪ ceux frappant certains terrains au bénéfice d’un tiers ayant l’intention d’en acquérir la propriété, notamment pour la réalisation d’équipements publics.

Le principe est alors l’inconstructibilité du terrain frappé d’un tel emplacement réservé par des personnes autres que le bénéficiaire de la réserve et dans des conditions différentes de celles prévues par ladite réserve, ce qui implique un refus de permis de construire, même si les terrains ne sont situés que pour partie dans l’emplacement réservé, dès lors que son existence fait obstacle à la réalisation du projet prévu.

L’inconstructibilité d’un emplacement réservé conduit à soustraire la surface de celui-ci du calcul du COS.

• Instauration d’un plan de prévention des risques naturels et technologiques

La perte de constructibilité peut également être la conséquence de l’instauration d’un plan de prévention des risques naturels ayant pour objet de délimiter les zones exposées à un risque naturel (inondations, mouvements de terrain ou avalanches) et d’y interdire ou d’y limiter, selon l’intensité de ce risque, les constructions, ouvrages et aménagements ainsi que les activités agricoles, commerciales ou industrielles. 

Les plans de prévention des risques technologiques poursuivent un but identique tendant à la maîtrise de l’urbanisation autour ou à proximité des installations dangereuses.

Ces plans peuvent être opposés aux demandes d’autorisation d’urbanisme.

Les règles qu’ils édictent valent servitude d’utilité publique ; ils sont annexés au PLU au même titre que les autres servitudes d’utilité publique.

• Article L. 111-3 du Code de l’urbanisme

L’article L. 111-3 du Code de l’urbanisme permet la reconstruction à l’identique d’un bâtiment détruit par un sinistre, sauf si le document d’urbanisme en dispose autrement.

Ces dispositions permettent de reconstruire des bâtiments sinistrés qui, régulièrement construits, ne respectent plus les dispositions d’un document d’urbanisme postérieur.

Ainsi, le seul fait que le nouveau document d’urbanisme rende des zones inconstructibles n’est pas suffisant pour interdire la reconstruction d’un bâtiment sinistré.

Il faut, en outre, que la carte communale ou que le plan local d’urbanisme indique que la reconstruction à l’identique est interdite en cas de sinistre justifiant les raisons d’une telle disposition, une telle interdiction ne pouvant être motivée que par la nécessité d’une protection spéciale du lieu (par exemple un espace situé dans la bande littorale des 100 mètres).

• Les conséquences de l’inconstructibilité en termes d’indemnisation

Certaines servitudes ne donnent lieu à aucune indemnisation, d’autres au contraire permettent une indemnisation intégrale du préjudice.

• Exemples d’absence d’indemnisation

Ainsi, les servitudes d’inconstructibilité pour risques naturels ne donnent pas lieu à indemnité.

Au titre des servitudes de non indemnisation en application du Code de l’urbanisme, sont concernées les modifications de zonage dans un POS ou un PLU.

Seul un détournement de pouvoir, c’est-à-dire une modification du zonage opérée dans le seul but de faire échouer un projet de construction pourrait justifier l’indemnisation.

• Exemples divers d’indemnisation 

Certains textes (art. L. 56 du Code des postes et télécommunications électroniques, L. 332-5 du Code de l’environnement pour la création des réserves naturelles…) prévoient une indemnisation lorsque les prescriptions sont « de nature à modifier l’utilisation ou l’état antérieur des lieux« , et qu’il est justifié d’un préjudice direct, matériel et certain.

La Cour de cassation estime que l’état ou l’utilisation antérieur des lieux ne peut être que l’utilisation et l’état effectifs des lieux, tels qu’ils peuvent être constatés à la veille du classement, et non l’état ou l’utilisation théorique et virtuelle des lieux tels qu’ils sont supposés après avoir résulté d’un précédent classement.

• Indemnisation des servitudes d’utilité publique

L’article L. 160-5 du Code de l’urbanisme institue un principe de non indemnisation en ces termes :

« N’ouvrent droit à aucune indemnité les servitudes instituées par application du présent Code en matière de voirie, d’hygiène et d’esthétique ou pour d’autres objets et concernant, notamment l’utilisation du sol, la hauteur des constructions, la proportion des surfaces bâties et non bâties dans chaque propriété, l’interdiction de construire dans certaines zones et en bordure de certaines voies, la répartition des immeubles entre diverses zones ».

Dans son alinéa 2, l’article L. 160-5 introduit cependant des exceptions : « Toutefois, une indemnité est due s’il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification de l’état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain…« 

• Les préjudices réparables

S’agissant du préjudice proprement dit, les dispositions de l’article L. 160-5 du Code de l’urbanisme font obstacle à l’indemnisation de la perte de la valeur vénale d’un terrain, cette valeur comprenant notamment les parts des dépenses d’équipement supportées par le vendeur du lot et répercutées dans le prix de vente du terrain.

La demande indemnitaire visant la perte de bénéfice qui aurait résulté pour les propriétaires de la construction d’un ensemble immobilier sur un lot rendu inconstructible ne peut être satisfaite au titre de l’article L. 160-5 de l’urbanisme qui ne prévoit le versement d’une indemnité qu’en cas « d’atteinte à des droits acquis » ou de « modification à l’état antérieur des lieux« .

En revanche, la totalité des frais d’acquisition du terrain d’assiette de la construction est remboursée, si celle-ci est rendue impossible.

Dès lors que l’acquéreur d’un lot n’a pas personnellement supporté le coût de la viabilisation, il ne peut faire valoir l’atteinte à un droit acquis.

Source : Etudes foncières, n°133, page 7