ÉTUDE de M. Henri-Pierre BROSSARD

Le nouveau régime de la cession de créances de droit commun.

L’ordonnance du 10 février 2016, portant réforme du droit des contrats, apporte diverses modifications au régime de la cession de créances de droit commun.

Elle précise les règles de forme applicables à la cession elle-même ainsi que le régime des cessions de contrats et assouplit les conditions d’opposabilité aux tiers.

Les dispositions qui régissent ces questions seront applicables aux cessions de créances et de contrats conclues à compter du 1er octobre 2016.

– Les caractéristiques de la cession de créances

Un écrit constatant la cession le jour de l’acte

À peine de nullité, la cession de créance doit être constatée par écrit.

Entre les parties, la cession s’opère à la date de l’acte de cession.

Une simple notification ou acceptation rendant la cession opposable au débiteur cédé

La cession est opposable au débiteur cédé à la date de l’acte, s’il y a consenti.

À défaut d’un tel consentement du débiteur, la cession ne lui est opposable que si elle lui a été notifiée ou s’il en a pris acte.

Une simple notification au débiteur cédé ou une prise d’acte de la cession, par lui, est suffisante, à la condition de pouvoir en rapporter la preuve.

Il ne sera plus nécessaire que la cession lui soit signifiée par huissier ou qu’il l’accepte dans un acte authentique.

Une opposabilité de la cession aux tiers à la date de la cession

La cession est opposable aux tiers dès la date de l’acte de cession. Il n’est pas nécessaire que la formalité tendant à rendre la cession opposable au débiteur cédé ait été accomplie.

En cas de contestation de la date de cession, la preuve de cette date incombe au cessionnaire, qui peut la rapporter par tous moyens.

Il est donc de donner date certaine à l’acte de cession en le présentant rapidement à la formalité de l’enregistrement ou en ayant recours à l’acte notarié.

La cession d’une créance future, si elle est déterminée ou déterminable

La cession d’une créance future est possible, à la condition qu’elle soit déterminée ou déterminable.

Sans préjudice des dispositions rappelées ci-dessus, relatives aux conditions de réalisation et d’opposabilité de la cession, le transfert d’une créance future n’a lieu, tant entre les parties que vis-à-vis des tiers, qu’au jour de sa naissance.

Des exceptions opposables au cessionnaire

Le débiteur peut opposer au cessionnaire :

– les exceptions inhérentes à la dette (nullité de la créance cédée, exception d’inexécution, résolution du contrat ayant donné naissance à la créance, compensation de créances connexes pour être nées d’un même contrat ou ensemble contractuel…) ;

– les exceptions antérieures, c’est-à-dire nées de ses rapports avec le cédant avant que la cession lui soit devenue opposable (octroi d’un terme, remise de dette ou compensation de dettes non connexes…).

Les garanties dues par le cédant

Le cédant d’une créance à titre onéreux en garantit l’existence ainsi que celle de ses accessoires, sauf si le cessionnaire a acquis cette créance à ses risques et périls ou s’il a connu son caractère incertain.

Le cédant ne répond de la solvabilité du débiteur cédé que lorsqu’il s’y est engagé et jusqu’à concurrence du prix qu’il a pu retirer de la cession.

Lorsque le cédant a garanti la solvabilité du débiteur, cette garantie ne s’entend que de sa solvabilité actuelle, à moins qu’il n’ait expressément spécifié qu’il garantissait la solvabilité du débiteur à l’échéance.

Les concours entre cessionnaires successifs

Le concours entre les cessionnaires successifs d’une même créance se résout en faveur du premier en date. Celui-ci dispose d’un recours contre celui auquel le débiteur aurait fait un paiement.

Tout cessionnaire d’une créance ultérieurement cédée à un tiers dispose d’un recours contre son cédant.

La charge des frais de la cession

Cédant et cessionnaire sont solidairement tenus de tous les frais supplémentaires occasionnés par la cession, dont le débiteur n’a pas à faire l’avance. La charge de ces frais incombe au cessionnaire, sauf clause contraire.

– Les caractéristiques de la cession de contrat

L’accord du cédé à la cession de contrat

Un contractant, « le cédant« , peut céder sa qualité de partie au contrat à un tiers, « le cessionnaire« , avec l’accord de son cocontractant, « le cédé« .

Cet accord peut être donné par avance, notamment dans le contrat entre les futurs cédant et cédé.

Dans ce cas, la cession produit effet, à l’égard du cédé, lorsque le contrat de cession entre le cédant et le cessionnaire lui est notifié ou lorsqu’il en prend acte.

Une cession de contrat par écrit qui libère le cédant

La cession de contrat doit être constatée par écrit, à peine de nullité.

Si le cédé y a expressément consenti, la cession du contrat libère le cédant pour l’avenir.

Si le cédant est libéré de ses engagements, ses codébiteurs solidaires restent tenus, déduction faite de sa part dans la dette.

Les sûretés qui ont pu être consenties par des tiers, à la garantie des obligations du cédant, ne subsistent qu’avec leur accord.

Non-libération du cédant si le cédé n’y a pas expressément consenti

Si le cédé n’a pas expressément consenti à la libération du cédant, ce dernier est, sauf clause contraire, solidairement tenu à l’exécution du contrat.

Les sûretés qui ont pu être consenties, à la garantie de l’exécution du contrat, subsistent.

Les exceptions opposables par le cessionnaire et par le cédé

Le cessionnaire du contrat peut opposer au cédé les exceptions inhérentes à la dette : nullité du contrat cédé, exception d’inexécution, résolution, compensation de dettes connexes.

Il ne peut lui opposer les exceptions personnelles au cédant.

Le cédé peut opposer au cessionnaire toutes les exceptions qu’il aurait pu opposer au cédant.

Source : Dict. perm. Dt. des aff., bull. 819, page 4