ETUDE de M. Fabrice GIRARD

La loi de sauvegarde des entreprises en difficulté du 26 juillet 2005 réorganise les créances en fonction de leur cause et de leur finalité.

Afin notamment « de renforcer les chances de redressement des entreprises en difficulté« , le régime français du redressement et de la liquidation des entreprises est, s’agissant du créancier, principalement articulé autour de deux notions :

– les poursuites en paiement pour des créances antérieures au jugement prononçant le redressement ou la liquidation et pour des créances postérieures non liées au besoin de la vie courante de l’entreprise débitrice sont suspendues ;

– tout créancier d’une entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire, dont la créance a son origine antérieurement au jugement d’ouverture ou n’est pas liée au besoin de la vie courante de l’entreprise débitrice, doit déclarer le montant de sa créance.

I. Quelles créances déclarer ?

Tous les créanciers dont la créance est née avant le jugement d’ouverture, à l’exception des créances salariales et des créances alimentaires, doivent adresser leur déclaration au mandataire judiciaire.

Par ailleurs, la réforme législative crée deux catégories de créances postérieures au jugement d’ouverture : les créances nées régulièrement « pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pour son activité« , et les créances postérieures qui n’entrent pas dans ce périmètre.

Les créanciers titulaires d’une créance née après le jugement d’ouverture qui n’est pas nécessaire à la poursuite de la procédure ou qui n’est pas la contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pour son activité, sont astreints également à la procédure de déclaration.

L’article L. 622-24 nouveau du Code de commerce les assimile à des créances antérieures. Les créanciers titulaires de sûretés doivent également déclarer leurs créances.

II. Quels délais de déclaration ?

Le créancier est tenu d’adresser au représentant des créanciers ou selon le cas, au mandataire judiciaire lors d’une liquidation, sa déclaration de créance dans le délai de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au Bodacc en cas de redressement judiciaire, et dans le délai fixé par le tribunal, en cas de liquidation judiciaire.

Les délais de déclaration de la créance sont augmentés de deux mois pour les créanciers domiciliés hors de la France métropolitaine.

Toutefois, à l’égard des créances nées postérieurement au jugement d’ouverture et ne relevant pas du régime de faveur, le délai de déclaration court à compter de la date d’exigibilité de la créance.

III. Quels sont les créanciers informés ?

Seuls les créanciers titulaires d’une sûreté ayant fait l’objet d’une publication sont avertis personnellement par lettre recommandée d’avoir à déclarer leur créance. A leur égard, le délai de déclaration ne court qu’à compter de la notification de l’avertissement qui leur est adressé.

Le créancier chirographaire doit être diligent et vérifier l’éventuelle ouverture d’une procédure de son débiteur.

Les créanciers qui n’ont pas déclaré leurs créances dans les délais doivent solliciter un relevé de forclusion. Le créancier, pour être relevé de sa forclusion par le tribunal, devra établir que sa défaillance à déclarer dans le délai n’est pas due à son fait.

L’article L. 622-26 nouveau du Code de commerce ouvre cependant la demande de forclusion aux créanciers démontrant que leur défaillance est due à une « omission volontaire » du débiteur lors de l’établissement de la liste de ses créanciers.

Jusqu’alors, la Cour de cassation estimait que l’omission par le débiteur d’un créancier sur la liste remise au représentant des créanciers, même de mauvaise foi, ne justifiait pas le relevé de forclusion. Cependant, le délai de forclusion est ramené d’un an à six mois, afin d’éviter que les demandes en relevé de forclusion tardives ne remettent en cause le plan de sauvegarde éventuellement arrêté.

Cette mesure sévère pour les créanciers est atténuée par une innovation primordiale : la loi nouvelle supprime la sanction de l’extinction des créances non déclarées ou dont le titulaire n’a pas été relevé de sa forclusion.

Il reste cependant admis que le créancier qui n’a pas déclaré dans le délai ne puisse participer à la répartition des dividendes du plan de sauvegarde ou de continuation. Il ne pourra, éventuellement, qu’être payé qu’une fois toutes les obligations liées à la procédure ouverte résolues. En outre, après clôture de la procédure, il pourra être autorisé à poursuivre le débiteur.

En tout état de cause, la nouvelle loi permet au créancier ayant omis de déclarer sa créance de poursuivre la caution en paiement alors qu’il ne le pouvait pas sous le régime légal précédent. La caution ne pourra plus tirer argument de l’extinction de la créance principale pour ne pas répondre à son obligation.

IV. La forme de la déclaration

Aucune forme particulière n’est requise pour la rédaction et la remise de la déclaration de créances, la loi se contentant d’exiger un écrit.

V. Quel signataire ?

La déclaration doit en principe être faite par le créancier lui-même ou par tout préposé ou mandataire de son choix.

La déclaration de créance équivaut à une action en justice. Aussi, lorsque le créancier est une personne morale, la déclaration ne peut être effectuée que par les représentants légaux de la société.

Si elle n’est pas effectuée par un représentant légal, mais par un tiers, celui-ci, s’il n’est pas avocat, doit justifier d’un pouvoir spécial (mandat ad litem, NCPC, art. 853) qui doit accompagner la déclaration de créance ou être produit dans le délai de celle-ci.

A défaut, la déclaration est affectée d’une irrégularité de fond qui permet de la tenir pour nulle.

VI. Les justificatifs de la créance

Le Code de commerce prévoit que doivent être joints sous bordereau les documents justificatifs de la créance déclarée.

Toutefois, le texte ne sanctionne pas le non-respect de cette exigence.

Le principe « pas de nullité sans texte » justifie, en conséquence, que la Cour de cassation puisse déduire ici que la déclaration de créance ne peut être invalidée pour ce motif.

Source : Petites Affiches, 8 Novembre 2005, page 7