C.A.A. NANTES 2 Novembre 2016

Légalité d’une cession à vil prix en présence d’un intérêt général et de contreparties suffisantes.

Note de M. Christophe ROUX :

Reprenant les principes dégagés voilà vingt ans (CE, sect., 3 nov. 1997), l’arrêt d’espèce constitue une application aussi classique que contestable de l’acception selon laquelle le principe d’incessibilité à vil prix ne s’oppose pas à la vente de biens publics à un prix inférieur à leur valeur vénale, à des « personnes poursuivant des fins d’intérêt privé », dès lors que ceci est justifié par « des motifs d’intérêt général et comporte des contreparties suffisantes« .

En l’espèce, la commune avait opéré une réfaction de 20 % du prix (estimé par les services des domaines) d’un ensemble immobilier au profit de VVF Association.

La Cour retient que cette cession avait pour but d’encourager le développement économique et touristique de la commune et de conserver l’affectation sociale des biens ; elle estime en outre que, eu égard à la volonté de la commune de ne pas assurer le portage financier de la rénovation des biens, la vente était assortie de contreparties suffisantes, VVF s’engageant à maintenir l’établissement pour douze ans et à favoriser l’embauche.

Outre qu’aucune clause de sauvegarde (impliquant, en cas de méconnaissance des engagements souscrits, le remboursement de la différence entre le prix acquitté et le prix réel) n’était prévue, cette appréciation libérale reste, au regard du droit des aides d’État, suspicieuse.

Entre autres contrariétés, la finalité d’intérêt général de l’opération poursuivie est, en droit de l’Union européenne, moins déterminante que la nature d’entreprise du bénéficiaire de cette largesse, ce qui est totalement éludé (ici comme ailleurs) ; il n’est par ailleurs aucunement certain que les contreparties « sociales » soient conventionnelles au regard des préconisations de la Commission.

Pour finir, il convient de relever que, préalablement, aucune procédure de publicité et de mise en concurrence n’avait été mise en œuvre, ce qui pourrait évoluer prochainement grâce à la loi Sapin II du 9 décembre 2016.

Rien de plus logique si l’on veut bien admettre que cette cession s’effectuait, en l’espèce, « avec charges« , en étant « assortie de contreparties retirées par la commune« , ce qui, de près ou de loin, rapprochait alors celle-ci d’une commande publique.

Source : JCP A, 2/17, 2021